30 avril 2020

"Si quelqu'un mange de ce pain il vivra éternellement."

Peinture de Nadia-Marie Fornerod

En sept versets, le Seigneur Jésus annonce quatre fois la vie éternelle: "je le ressusciterai au dernier jour; il a la vie éternelle; celui qui en mange ne mourra pas; il vivra éternellement". La foi et le Baptême nous ouvrent la route de la communion Eucharistique, gage très sûr de l'éternité bienheureuse dans la communion du Père et du Fils et du Saint Esprit; dont Jésus Christ s'est constitué en quelque sorte l'otage de son propre amour, en se confiant au sacerdoce des prêtres. En vérité, le Discours sur le Pain de Vie est accablant pour la prédication courante, pardon, pour les déclarations ambiantes, et pour la praxis officiellement imposée.
Cléricalisme, quand tu nous tiens! Que faisaient-ils donc pendant les cours d'Ecclésiologie? Tout est à reprendre. Un rappel majeur: il n'y a aucun intermédiaire ecclésial entre l'Evêque et le Collège des Evêques toujours avec sa Tête et jamais sans son Chef. Ainsi, les conférences épiscopales, sont de l'ordre du fonctionnement collectif, et ne constituent pas un échelon de subsidiarité ecclésiale à proprement parler; un conseil permanent n'est pas non plus l'assemblée plénière, seule habilitée à parler "au nom de tous" justement parce que tous y sont présents. De sorte qu'au-delà et en deçà du soutien et des négociations que peuvent mener ces instances pour la liberté de l'Eglise et le bien surnaturel des fidèles, yesss, la responsabilité de l'Evêque pour procurer la vie chrétienne de la portion du Peuple de Dieu qui lui a été confiée reste plénière, souveraine dans le cadre de la discipline universelle, et non transférable: c'est lui qui décide personnellement et comme Chef, de faire ceci et de ne pas faire cela, et en répond au seul Pasteur.
Autre rappel non moins important: les laïcs sont eux-mêmes et au titre de leur Baptême, l'Eglise; tout autant que le sont les clercs, car il y a entre eux une différence non pas de degré, mais de nature, dans la participation à l'unique sacerdoce du Christ et ses trois fonctions sacerdotale, prophétique et royale. Et leur domaine propre, c'est à dire qui leur est confié non pas par délégation de la Hiérarchie mais par le Christ Seigneur, c'est le monde et la vie séculière dans laquelle les engage leur état. On ne doit donc pas les exhorter toujours à prier, mais à s'engager, à s'activer, et promouvoir leurs initiatives et les soutenir dans une sorte d'expertise qu'ils ont, par grâce d'état, pour ce qui concerne l'Eglise dans le monde.
Il est quand même stupéfiant de voir de plus en plus de laïcs réclamer la restauration du culte public, parce que tout leur apostolat est adossé à la vie sacramentelle; et qu'ils ne rencontrent au mieux que de la compassion émotionnelle, au pire l'exigence purement formelle d'obéir, comme on dirait aux enfants d'être sages pendant que les adultes discutent au salon. Mais quand tout cela sera mis en perspective du bilan sanitaire définitif de ce qu'aura été réellement le covid-19?

29 avril 2020

Fête de sainte Catherine de Sienne, co-patronne de l'Europe


Une citation impressionnante de sainte Catherine de Sienne figure dans la dernière page du livre du Pape émérite et du Cardinal Sarah Des profondeurs de nos coeurs (Fayard, 2020). Elle peut nous aider à sentir ce que c'est que la liberté de ton dans l'Eglise, quand on a la foi surnaturelle, et c'est bien ce que la sainte peut nous aider à retrouver en ces temps si particuliers, précisément dans le patronage de sa vigoureuse intercession.
Nos deux auteurs écrivent: 

En ces temps difficiles, chacun doit craindre d'entendre un jour Dieu lui « adresser ces paroles acerbes en manière de réprimande : Maudit sois-tu, toi qui n'as rien dit. Ah ! Assez de silence ! Criez en cent mille langues. Je vois qu'à force de silence le monde est corrompu, l'Epouse du Christ est toute pâle, elle a perdu ses couleurs, parce qu'on lui suce le sang, le sang du Christ qui est donné par grâce. (…) Ne dormez plus du sommeil de la négligence. Faites promptement ce que vous pourrez ». Et ils indiquent en note: Sainte Catherine de Sienne, Lettre 16 (84) à un grand prélat.

C'est revenir sur le quiproquo de la Doctrine Sociale de l'Eglise à propos de l'Europe: la paix et l'unité des nations européennes comme grand corps vivant, forgé au long d'une histoire dont les sources civilisationnelles fécondes sont connues; avec pour expression institutionnelle un corpus de règlements surtout financiers, qui vise surtout la circulation sans obstacle des capitaux, des biens et des personnes, et peine à trouver son épaisseur réellement politique. Le quiproquo aurait pourtant dû être dissipé à l'occasion de la bataille du tandem Chirac-Jospin contre la mention des racines chrétiennes de l'Europe dans la constitution avortée, et qui ne figure pas non plus dans le traité ultérieur de Lisbonne: un déni de réalité tel qu'il ne permet plus en principe d'équivoque.

On remarque souvent dans les déclarations ecclésiastiques, comme si on se faisait un point d'honneur à n'employer que des expressions et des arguments rationnels, disons naturalistes pour utiliser la terminologie théologique précise, accessibles "à toutes et à tous, à chacun et à chacune". Mais il y a là, on s'en rend compte avec le recul du temps, un effet pervers, parce que si la grâce suppose la nature, ce n'est pas la nature qui sauve, mais bien la grâce. Cet effet pervers consiste en une double dérive sur un point capital: celui de la liberté personnelle.

Jusqu'à Vatican II inclus, cela figure explicitement encore dans la Déclaration Dignitatis Humanae (1965) ainsi que dans le Catéchisme de l'Eglise Catholique qui la cite (1992), on formule toujours la distinction entre la liberté religieuse qui concerne toute personne à la fois comme individu et comme collectivité (d'où liberté de conscience et liberté de culte), et la liberté de l'Eglise parce qu'elle n'entre précisément pas dans ce cadre. Qu'est-ce à dire?

La liberté religieuse est attachée à la nature spirituelle de la personne: elle ne doit pas être contrainte extérieurement de se soumettre à la vérité, mais ne doit y adhérer librement que par la force de la vérité elle-même, reconnue loyalement par la conscience. La liberté de l'Eglise, en revanche, n'est pas attachée à la "nature" de la personne, mais elle est un fruit du "salut" accompli par le Christ par son Incarnation, sa Mort et sa Résurrection: "Si le Christ nous a libérés, c'est pour que nous soyons vraiment libres" (Ga 5, 1). Elle n'est pas précisément la revendication d'une communauté qui voudrait au nom de sa confession s'affranchir de l'ordre commun, par un traitement à part. Elle est beaucoup plus profondément la libération réalisée par la grâce de l'Esprit Saint, de l'aliénation infernale du péché et de la mort, qui tyrannise tous les hommes sous son joug depuis les origines.

Or la première dérive, actée déjà depuis longtemps nous ne pouvons que le constater, c'est que le discours officiel dans l'Eglise, a glissé rapidement d'une liberté à l'autre, et n'envisage plus guère la liberté de l'Eglise qu'au "plan naturel" de la liberté religieuse: comme un culte parmi d'autres; et semblent même se faire une gloire de ne rien revendiquer pour soi-même seulement, comme attitude supposément évangélique. Mais il ne s'agit pas du tout de soi-même: il s'agit du Christ Sauveur et de son rapport à tous les hommes qu'il veut encore sauver; il s'agit de la "dimension surnaturelle" de l'existence, offerte et accessible dans l'Eglise, ses institutions, sa prédication, sa mission, et là seulement. Ce que le monde ne connaît pas ou refuse dans son délire d'auto-suffisance sécularisée, le mandat du Christ ressuscité nous fait un devoir de l'annoncer et de le partager à qui veut s'en rendre digne par la foi.

La deuxième dérive est en train d'advenir sous nos yeux, à l'occasion de la crise dite du covid-19. C'est un nouveau glissement opéré subrepticement dans les déclarations et les comportements de la sidération initiale, et codifié depuis dans les lois d'exception de ces jours funestes: la liberté de culte est désormais réduite à la simple liberté de réunion. Dès lors, elle relève essentiellement et sans appel, de sa gestion par les pouvoirs publics. Ces derniers, dans une optique résolument matérialiste qui fait passer insensiblement le régime, de la laïcité à l'athéisme d'état, propose la consultation éventuelle des responsables concernés, en englobant pêle-mêle le large spectre des opinions philosophiques et religieuses, supposément et a priori consensuelles.

On sait quels fruits ont donné les expériences d’athéisme d'état pour le malheur de l'humanité. Quoi qu'il en soit, si l'on ne revient pas fermement sur cette dégradation de la liberté de culte en liberté de réunion, elle pourrait bien devenir l'un des verrous les plus efficaces que les chrétiens aient à redouter: piétinant la liberté de culte, bafouant la liberté de l'Eglise.

28 avril 2020

"Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir et te croire?"

Notre Dame du Perpétuel Secours

Aujourd'hui, fête de saint Louis-Marie Grignon de Monfort. C'est lui qui enseigne la vraie dévotion à Marie, qu'il a lui-même résumée dans un petit opuscule, "le secret de Marie". Le secret est de se consacrer à Marie, comme moyen le plus sûr, le plus efficace et le plus facile pour être fidèle aux promesses de son baptême. Nous sommes donc au coeur de la foi et de la vie chrétienne. En quoi consiste donc cette consécration? Tout simplement à faire.. ce que Jésus lui-même a fait: s'en remettre totalement à Marie en tout et pour tout. Depuis le premier instant de son Incarnation, à sa Nativité, pour son soin et son éducation, et tout le reste: il a été et a tout fait en elle, avec elle, par elle et pour elle, "à la plus grande gloire de Dieu dans le temps et l'éternité", comme nous le reprenons à notre compte en récitant la consécration que nous propose saint Louis-Marie.
Mais il est aussi celui qui a entrevu les apôtres des Derniers Temps, tout à Jésus par Marie, la croix dans une main et le chapelet dans l'autre, persécutés par tous, mais au coeur ardent et à la parole de feu, instruments vivants entre les mains de celle qui prépare le Dernier Avènement du Christ comme elle fut artisan de sa première Venue, celle que l'Ecriture reconnaît comme plus terrible aux démons qu'une armée rangée pour la bataille.
Toute la prédication de ce missionnaire apostolique, envoyé non pas dans les terres lointaines, mais dans l'Ouest de la France fille aînée de l'Eglise, selon les mots du Pape à qui il venait demander où il devrait se dévouer, reposait sur la méditation des mystères du Christ et la récitation du rosaire quotidien. Précisément ce que Marie est venue demander lors de ses apparitions à Fatima, qui dominent encore les temps où nous sommes. Tandis que François nous recommande spécialement le chapelet ce mois d'Octobre, reprenons docilement et en totale humilité et confiance, les prières que la Vierge a demandées;  nous en remettant à elle, quant aux intentions et quant aux fruits. Car il devient en effet évident même à ceux qui ne sont pas fins observateurs, que ce n'est plus vraiment le covid 19 qui nous menace au premier chef, mais bien ce qu'il a provoqué et à la faveur de quoi un certain nombre de pions sont avancés sur le grand échiquier de l'histoire humaine.
Saint Louis-Marie Grignon de Monfort, souligne, pour montrer l'unicité de son secret, que cette dévotion va plus loin que toute pratique spirituelle dans l'Eglise, parce qu'elle consacre à Marie même "la valeur de nos bonnes actions passées, présentes et futures", c'est à dire le trésor le plus intime d'une âme, à savoir ses mérites de grâce en vue de son éternité bienheureuse. S'en remettre à Marie même de cela, c'est réellement s'être dessaisi de tout soi-même en absolue confiance, et c'est pourquoi cette dévotion est un chemin rapide et sûr de la plus haute sainteté: qui imaginerait que la Vierge Marie ne soit la patronne la plus apte à savoir quelle est la volonté de Dieu et la plus puissante à la réaliser dans une âme?

27 avril 2020

"Lui que Dieu le Père a marqué de son sceau."


"Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l'homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau." Après la multiplication des pains, et la traversée de la mer en marchant sur l'eau, va s'ouvrir le discours sur le Pain de Vie: enseignement sur l'Eucharistie par Jésus lui-même, qui prend soin d'insister avant, sur la nécessité de la foi pour avoir accès au Mystère. Tandis que les foules ne sont jamais au bon endroit, puisque Jésus est toujours sur l'autre rive, de l'autre bord, il nous faut nous laisser prendre tout entiers par la Personne même de Jésus, "lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau."
Qu'y a-t-il donc d'écrit sur le sceau? DIEU. Jésus est vrai Dieu, de la Divinité qu'il reçoit éternellement du Père, comme Fils unique et bien-aimé, réellement identique à sa Personne, qui divinise maintenant aussi depuis le temps de son Incarnation et pour toujours, sa sainte Humanité. Car la Grâce Incréée d'union dans la Personne du Verbe, irradie dans l'âme humaine de Jésus la plénitude de toutes les grâces créées qui lui permettent d'être réellement, effectivement et authentiquement l'âme du Fils de Dieu. Ce qui veut dire qu'il vit sa Filiation non seulement dans la puissance éternelle qu'il a en commun avec le Père, mais depuis son Incarnation, aussi dans toutes les fibres de son être spirituel, psychologique, corporel: toutes les puissances de sa nature humaine qu'il a en commun avec nous, sont enrichies de grâces et élevées au point qu'elles peuvent dire en vérité Qui il est; elles réussissent à exprimer la réalité de sa vie personnelle comme Fils.
Saint Jean explique dans le Prologue de son Evangile: "de sa plénitude nous avons tous reçu, et grâce après grâce." Ce qu'il nous faut essayer de comprendre pour l'adorer, confondus par tant de miséricorde et de merveille, c'est que la grâce et le salut ne nous viennent pas précisément "de Dieu", comme on se représente la Providence par laquelle Dieu accompagne avec bonté sa création à la fois de façon universelle et toute particulière envers chacun. Non, la grâce et le salut nous viennent justement de la plénitude de grâce "du Christ": c'est-à-dire, non pas exactement comme une sorte d'intermédiaire ou de canal pour nous transfuser les biens divins; mais comme Médiateur, par participation à ce que lui-même vit dans sa sainte humanité, en son âme et son corps.
Autrement dit, nous sommes sanctifiés par la sainteté de Jésus, nous sommes lavés par le sang de Jésus, nous sommes nourris par le corps de Jésus, nous sommes aimés par le coeur de Jésus; nous obéissons dans son obéissance, nous mourons dans sa mort, et nous ressuscitons dans sa résurrection; nous sommes enfantés par sa Maman, et protégés par saint Joseph qu'il appelait "papa" sur la terre; nous évangélisons dans l'ardeur de son zèle, et nous proclamons sa parole; nous connaissons dans sa lumière, nous servons dans son ministère, nous aimons dans son amour. L'âme et le corps de Jésus, sa sainte humanité, sont la plénitude de la vie à laquelle nous avons part chacun selon sa grâce, selon sa vocation, selon ce qu'il est et ce qu'il veut devenir. Quand Jésus proclame qu'il est le chemin, la vérité et la vie, il ne dit pas autre chose que "venez à moi et demeurez en moi". C'est l'invitation à entrer dans sa Personne, comme dans une demeure d'éternité: appel effrayant et fascinant du Côté ouvert comme une Porte.

26 avril 2020

Troisième Dimanche de Pâques

"Comme votre coeur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit."

Pietà
Dessin au crayon de Yves Mathonat

L'épisode des disciples d'Emmaüs nous invite à réfléchir à la place de la Parole de Dieu dans notre vie de foi. On sait l'insistance forte depuis le Concile Vatican II, qui avait été "présidé" par le livre des Evangiles, porté en procession au début de chaque session, comme si c'était le Saint Sacrement. Les "deux Tables" de la Parole et du Pain: pour la rencontre avec le Christ ressuscité. Et si spontanément, une prééminence est accordée, comme par instinct de foi, au Saint Sacrement, à cause de la présence "réelle", substantielle de Jésus en son Eucharistie, on se fait un devoir de "rééquilibrer" toussa, en insistant sur les autres présences de Jésus à son Eglise, qui sont aussi "réelles": numéro 7, admirable, de la Constitution sur la Divine Liturgie Sacrosanctum Concilium, premier document du Concile Vatican II, chronologiquement. Mais aussi, autre exemple, la présentation du Sacerdoce, qui ne met pas comme première fonction sacerdotale, la fonction de sanctification par les sacrements, mais bien la fonction d'enseignement par l'annonce de l'Evangile: priorité chronologique (il faut entendre d'abord l'Evangile avant de recevoir les sacrements), mais non pas théologique (la foi et le baptême rendent aptes à recevoir l'Eucharistie pour la vie éternelle, tel est le but de l'annonce). D'ailleurs récemment encore, le Pape François, y insistait: quel est le propre du prêtre seul? Dire "ceci est mon corps" et "je te pardonne tes péchés" dans la Personne même du Christ.
SC 7. [Le Christ est présent dans les actions liturgiques]
Pour l'accomplissement d'une si grande œuvre, le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la Messe, et dans la personne du ministre, "le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s'offrit alors lui-même sur la croix" (20) et, au plus haut point, sous les espèces eucharistiques. Il est là présent par sa vertu dans les sacrements au point que lorsque quelqu'un baptise, c'est le Christ lui-même qui baptise (21). Il est là présent dans sa parole, car c'est lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l'Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis: "Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d'eux" (Matth. 18, 20). Effectivement, pour l'accomplissement de cette grande œuvre par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s'associe toujours l'Église, son Épouse bien-aimée, qui l'invoque comme son Seigneur et qui passe par lui pour rendre son culte au Père éternel.
C'est donc à juste titre que la liturgie est considérée comme l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus-Christ, exercice dans lequel la sanctification de l'homme est signifiée par des signes sensibles et est réalisée d'une manière propre à chacun d'eux, dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus-Christ, c'est-à-dire par le Chef et par ses membres.
Par suite, toute célébration liturgique, en tant qu'œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l'Église, est l'action sacrée par excellence dont nulle autre action de l'Église ne peut atteindre l'efficacité au même titre et au même degré.
Sauf que l'effet de miroir est trompeur. Il n'y a pas exactement de symétrie entre la présence du Christ en sa Parole, fût-ce l'Evangile, et sa présence sous les saintes Espèces eucharistiques. Car ici, le Corps est présent objectivement, qu'on y pense ou non, qu'on l'adore ou l'ignore, qu'on y croit ou pas: il est là, c'est lui. C'est pourquoi le texte de SC 7 dit justement présent "au plus haut point". Tandis que là, dans tous les autres modes de présence, par lesquels le Seigneur Jésus se rend réellement présent à son Eglise, il l'est dans la médiation de l'Esprit, qui s'unit à notre esprit, et donc jusqu'à un certain point, à la mesure subjective de notre participation. Certes, c'est le cas aussi pour l'Eucharistie, qui dépend d'abord dans sa "confection" par le Sacerdoce, du prêtre, puisqu'elle est le fruit de la célébration du saint Sacrifice de la Messe: mais une fois la consécration validement effectuée, et la transsubstantiation, le Corps est réellement là "en lui-même", sacramentellement, et non pas seulement "pour nous" ou à la mesure de notre foi. Ainsi, dans tous les autres cas, y compris dans la lecture "quasi sacramentelle" de la Parole de Dieu au coeur de la Liturgie, la Parole est toujours lue par nous, et entendue par nous, et reçue par nous, et comprise et interprétée par le Magistère et par nous. Tout cela est essentiellement "dialogal", et c'est magnifique, de sorte cependant que notre empreinte sur la réalité de ces choses divines est décisive, d'autant qu'elles sont données "pour nous".
On peut comprendre cette limite, en se reportant aux Ecritures, telles qu'expliquées par Jésus au long du chemin. On découvre, quand il parle, qu'en fait tout était annoncé: les souffrances du Messie et son entrée dans la gloire, c'est évident quand il le dit. Et pourtant, les grands prêtres et les pharisiens, gavés d'Ecriture Sainte, n'ont su y trouver que les raisons impérieuses de le condamner. Même aux disciples, Jésus ressuscité est obligé de dire encore "Esprits sans intelligence! Comme votre coeur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit!" Or pendant trois années de son ministère public, il avait déjà expliqué les Ecritures, et saint Jean a cette remarque deux fois: sur le moment, ils ne comprirent pas, mais quand il fut ressuscité, ils se rappelèrent de l'Ecriture et de la parole de Jésus, et ils crurent en lui. C'est donc, au-delà de toutes les médiations Spirituelles de la présence de Jésus à son Eglise, seulement lorsqu'il est lui-même substantiellement, personnellement, et réellement là au Saint Sacrifice de la Messe et en son Eucharistie, que nous pouvons pleinement entrer aussi dans tous les autres modes par lesquels il se proportionne pour ainsi dire à nous pour nous rejoindre. Il y a donc bien une prééminence des Saintes Espèces, du Sacrifice de la Messe, du Saint Sacrement au coeur de la foi et de la vie chrétienne. Certains pasteurs zélés craignent d'y voir quelquefois une "chosification" du mystère du Christ: le sens de la foi des gens simples y reconnaît au contraire le fondement inébranlable de la réalité de tout l'ordre du salut.

25 avril 2020

FÊTE DE SAINT MARC

Christ copte (papyrus) et Notre Dame Porte du Ciel

Des perles dans l'Evangile selon saint Marc
1,1 Commencement de l'Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu.
1, 38 Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, afin que j'y prêche aussi, car c'est pour cela que je suis sorti.

3, 13ss Puis il gravit la montagne et il appelle à lui ceux qu'il voulait. Ils vinrent à lui, et il en institua Douze pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher, avec pouvoir de chasser les démons.

4,26ss Il en est du Royaume de Dieu comme d'un homme qui aurait jeté du grain en terre: qu'il dorme et qu'il se lève, nuit et jour, la semence germe et pousse il ne sait comment. D'elle-même, la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, puis plein de blé dans l'épi.

4,35... 40 Ce jour-là, le soir venu, il leur dit: "Passons sur l'autre rive"... Et lui était à la poupe, dormant sur le coussin. .. Pourquoi avez-vous peur ainsi? Comment se fait-il que vous n'ayez pas la foi?

5, 5...15 Et sans cesse, nuit et jour, il était dans les tombes et dans les montagnes, poussant des cris et se tailladant avec des pierres... Ils arrivent auprès de Jésus et ils voient le démoniaque assis, vêtu et dans son bon sens, lui qui avait eu la légion..

8, 17-21 Vous ne comprenez pas encore et vous ne saisissez pas? Avez-vous donc l'esprit boucé,? ... Et ne vous rappelez-vous pas... les cinq pains pour les cinq mille hommes... Et lors des sept pour les quatre mille hommes... Alors il leur dit: Ne comprenez-vous pas encore?

9, 22-24 Si tu peux quelque chose, viens à notre aide, par pitié pour nous. Si tu peux!... reprit Jésus; tout est possible à celui qui croit. Aussitôt le père de l'enfant de s'écrier: Je crois! Viens en aide à mon peu de foi!

10, 13-16 On lui présentait des petits enfants pour qu'il les touchât mais les disciples les rabrouèrent. Ce que voyant, Jésus se fâcha et leur dit: Laissez les petits enfants venir à moi; ne les empêchez pas.. Puis il les embrassa et les bénit en leur imposant les mains.

10, 20-22 Maître, lui dit-il, tout cela, je l'ai observé dès ma jeunesse. Alors Jésus fixa sur lui son regard et l'aima. Et il lui dit: Une seule chose te manque: va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens, suis-moi. Mais lui, à ces mots s'assombrit et il s'en alla tout triste car il avait de grands biens.

10, 29-30 En vérité je vous le dis, nul n'aura laissé maison, frères soeurs, mère père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l'Evangile, qui ne reçoive le centuple dès maintenant au temps présent en maisons, frères soeurs mères enfants et champs, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle.

10, 32ss Ils étaient en route, montant à Jérusalem; et Jésus marchait devant eux, et ils étaient dans la stupeur et ceux qui suivaient étaient effrayés. Prenant de nouveau les Douze avec lui, il se mit à leur dire ce qui allait lui arriver: Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré ..

11, 24 Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez déjà reçu, et cela vous sera accordé.

12, 6 Il lui restait encore quelqu'un, son fils bien-aimé; il le leur envoya le dernier, en se disant: Ils respecteront mon fils.

15, 32 Que le Christ, le Roi d'Israël, descende maintenant de la croix, pour que nous voyions et que nous croyions en lui.

15, 37.. 39 Jésus, jetant un grand cri, expira... Voyant qu'il avait ainsi expiré, le centurion qui se tenant en face de lui s'écria: Vraiment cet homme était fils de Dieu!

16, 2 De grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil s'étant levé.

16, 8 Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur..

16, 15.. 20 Allez dans le monde entier, proclamez l'Evangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé; celui qui ne croira pas sera condamné.. Ils s'en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui l'accompagnaient.

Litaniae Maiores

"A peste, fame et bello: libera nos, Domine."

Peinture de Nadia-Marie Fornerod

La forme extraordinaire célèbre aujourd'hui, outre saint Marc, les Litanies Majeures, grande mobilisation contre toutes sortes de fléaux, que nous retrouvons encore le Lundi avant l'Ascension pour le premier jour des Rogations.
On est profondément consolé par le suffrage des Saints.
On est rassuré d'implorer la Miséricorde divine qu'elle nous libère: de tout mal, de tout péché, de la mort subite et imprévue, des pièges du démon, de la colère de la haine et de toute méchanceté, de l'esprit d'impureté, de la foudre et de la tempête, des tremblements de terre, de l'épidémie, de la famine et de la guerre, de la mort éternelle.
On est confiant dans la puissance des mystères du Christ "pour nous les hommes et pour notre salut": son Incarnation, son Avènement, sa Naissance, son Baptême et son Jeûne au désert, sa Croix et sa Passion, sa Mort et sa Mise au tombeau, sa Résurrection, son Ascension, la Venue du Saint Esprit Consolateur, au Jour du Jugement. 
On le supplie, qu'il veuille bien nous écouter, pauvres pécheurs: nous épargner, être indulgent pour nous, nous amener à la vraie pénitence, conduire et conserver la sainte Eglise, garder dans la sainte religion le Souverain Pontife et tous les membres du clergé, abaisser les ennemis de la sainte Eglise, donner aux rois et aux chefs d'Etat chrétiens la paix et la véritable concorde, accorder la paix et l'unité à tout le peuple chrétien, ramener les dissidents à l'unité de l'Eglise et conduire tous les incroyants à la lumière de l'Evangile, nous affermir et garder à son saint service, élever nos âmes au désir des biens du ciel, accorder les biens éternels à tous nos bienfaiteurs, préserver nos âmes de la damnation et celles de nos frères, de nos proches et de nos bienfaiteurs, nous donner et nous conserver les fruits de la terre, donner le repos éternel à tous les fidèles défunts.
"Il n'y a rien à dire de plus. Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? Il n'a pas refusé son propre Fils, il l'a livré pour nous tous: comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout? Qui accusera ceux que Dieu a choisis? puisque c'est Dieu qui justifie. Qui pourra condamner? puisque Jésus Christ est mort; plus encore: il est ressuscité, il est à la droite de Dieu et il intercède pour nous." (Rm 8, 31-34)
Juste une petite chose. Une drôle d'impression: comme si on avait désarmé l'Eglise juste au moment où le Combat allait manifester sa dimension universelle; un peu comme on découvre aujourd'hui, qu'il y a quelques années on avait mis à sac le système de santé. Merci Benoît XVI de nous avoir rendu l'accès à tous nos biens.

24 avril 2020

"Ne risquez donc pas de vous trouver en guerre contre Dieu."

Cinq pains et deux poissons
Sculpture de Luc Vandevelde (pierre)

Le raisonnement de Gamaliel au Conseil suprême, formule ce qui est a posteriori l'une des causes de crédibilité de la foi à l'Eglise: "si leur entreprise vient des hommes, elle tombera. Mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez pas les faire tomber." On pense à cette scène pathétique vers la fin du film "La Pourpre et le Noir", de la rencontre du monsignore du Vatican avec l'officier nazi, au Colisée, nuitamment. Aux abois parce que les Alliés vont entrer dans Rome, l'officier a encore comme un pincement d'arrogance, auquel le monsignore réplique: "vous voyez ces ruines? C'est là que vos prédécesseurs martyrisaient mes prédécesseurs: les vôtres ont disparu, mais nous, nous sommes encore là". Loin de tout triomphalisme désormais impossible, la Sainte Eglise semper reformanda, stupéfie par sa capacité à se réformer elle-même; si le rêve des "trois blancheurs" de S. Jean Bosco est clairement daté, gageons que nous verrons encore des merveilles.
Si du moins, pour lire la suite du texte, nous sommes "joyeux d'avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus." On sait l'ampleur des persécutions de chrétiens partout à travers le monde, et curieusement, nous donnons l'impression de penser encore que chez nous, le consensus avec le monde resterait la norme, et même un devoir. De sorte que ce qui nous concernerait le plus directement dans le discours de Gamaliel, ce serait l'avertissement redoutable: "Ne risquez donc pas de vous trouver en guerre contre Dieu." Comme nous répugnons à "choisir notre camp"! Pourtant, c'est la base du discernement et de la vie spirituelle façon ignatienne: des deux étendards, il faut se ranger sous un seul.
Voilà pourquoi, sans doute, lors de certains moments-clés, le Seigneur Jésus commence toujours par "passer de l'autre côté de la mer", aller de l'autre bord. Ce n'est pas au temps pascal que nous pouvons ignorer les significations profondes de ce passage qu'il nous invite continuellement à faire avec lui: "Sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout. Au cours du repas.. sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu'il est venu de Dieu et qu'il retourne à Dieu.." Voilà ce qu'annonce déjà la multiplication des pains; voilà pourquoi elle se finit pour Jésus: seul, dans la montagne. Alors que le monde en aurait fait son roi. Judas ne l'a pas supporté. Mais nous: apporterons-nous cinq pains et deux poissons, pour qu'il en dispose selon son bon plaisir, à la plus grande gloire de Dieu, dans le temps et l'éternité?

23 avril 2020

Fête de saint Georges

Bonne fête aux cavaliers du Régiment de Cavalerie de la Garde. J'ai célébré aujourd'hui la messe à votre intention. Que le Seigneur nous protège, qu'il nous ramène vers lui, et ainsi mette fin à nos malheurs. Dieu vous garde.


"Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes."

Toile de Jouy

La liberté et la dignité des enfants de Dieu ne font pas de nous des rebelles. Ou alors, la subversion que l'Eglise représente par le seul fait d'exister dans le monde, est plus profonde que la révolte. Comment Dieu serait-il en quelque façon contre le monde, alors qu'il en est le Créateur? Il en est aussi le Sauveur, et c'est à ce titre, qu'il conteste la fermeture du monde à sa grâce en raison du péché originel et de tous les péchés personnels qui s'en sont suivis. Les interlocuteurs des Apôtres l'avouent: "Vous voulez donc faire retomber sur nous le sang de cet homme!" Oui, précisément, non pas pour la vengeance, mais dans le processus de remettre et de maintenir les péchés, que Jésus a institué dans son Eglise le soir même de sa Résurrection, et qui est le moyen d'appeler à la conversion qui nous ouvre le pardon des péchés. "Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l'Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent."
Du coup, on comprend que la liberté et la dignité des enfants de Dieu ne s'exercent pas d'abord devant le monde, mais en Dieu: et c'est pour cela aussi qu'il faut "obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes". Nous sommes rendus participants de l'effusion que Dieu fait en son Fils en lui donnant d'être avec lui la Source de l'Esprit: ce qu'il est devenu "pour nous les hommes et pour notre salut" en son Incarnation, il l'a rendu participable à ceux qui croient, en obéissant jusqu'à la mort et la mort de la Croix. "Exaucé en raison de sa pitié, il est alors devenu pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel" explique la Lettre aux Hébreux.
Dès lors, la parole de saint Jean dans l'Evangile est lumineuse: "C'est sans mesure que Dieu donne l'Esprit: le Père aime le Fils et il a tout remis dans sa main. Celui qui croit au Fils a la vie éternelle; celui qui refuse de croire le Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui." Les choses sont désarmantes de simplicité, comme Dieu même. Dieu s'est effectivement donné lui-même: ou bien on passe en lui et on vit avec lui de lui par lui et pour lui; ou bien on reste dehors et on n'a plus que ce qu'on est et ce qu'on est devenu et ce qu'on a mérité par ce qu'on a fait, l'horreur. Or la Porte est ouverte à tous, c'est le Christ, et on y passe par la foi et le Baptême: tandis que le monde cherche à refermer la porte, Dieu a mis l'Eglise dans l’entrebâillement, nous dit François, d'où son inconfort jusqu'à l'entrée du dernier des élus.

22 avril 2020

"Les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière."

Peinture de Nadia-Marie Fornerod

Fort à propos, la répartition des lectures de la messe en semaine mène en parallèle et jusqu'à la Pentecôte, le récit des début de l'Eglise dans les Actes des Apôtres, et la catéchèse baptismale et chrétienne que représentent les grands enseignements de Jésus dans l'Evangile selon saint Jean. Nous avons ainsi, pour ainsi dire, "la théorie et la pratique du mystère" dans le Christ, dans son Corps mystique l'Eglise, et pour chacun d'entre nous selon sa grâce.
C'est ainsi que nous avons aujourd'hui dans la première lecture le cercle vertueux, dans lequel la dernière génération a recommencé d'agir: cercle vertueux entre la liberté intérieure du chrétien et l'annonce extérieure de l'Evangile. "L'ange du Seigneur ouvrit les portes de la prison et les fit sortir. Il leur dit: Partez, tenez-vous dans le Temple et là, dites au peuple toutes ces paroles de vie." Grâce à Dieu, le Renouveau, la génération Jean Paul II, la génération Benoît XVI, ont retrouvé l'annonce simple et directe du message, ce qui les a rendus à la liberté intérieure malgré les "alibis" comme les appelait déjà Paul VI, malgré les intimidations et l'autocensure; et inversement, en annonçant simplement l'Evangile, ils expérimentaient avec enthousiasme la liberté et la dignité retrouvée d'enfants de Dieu. De sorte que maintenant, la génération sous François est complètement décomplexée.
C'est tant mieux, parce qu'elle va affronter ce que l'on sent monter peu à peu et qui commence à affleurer de plus en plus souvent. Alors qu'on se complaît jusqu'à plus soif, à annoncer le début de l'Evangile dans une profonde ambiguïté, "car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé"; on cite beaucoup plus rarement et sans emphase ce qui est pourtant la suite immédiate qui dissipe toute ambiguïté: "Celui qui croit en lui échappe au jugement; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu." On comprend alors que dans le tout début, le mot important pour ce qui nous concerne, est "croit en lui". Voici ce début: "Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle."
Ainsi donc, l'annonce de l'amour universel, gratuit et infini de Dieu, se fait depuis 2000 ans, avec le témoignage et d'un apogée de civilisation que fut la Chrétienté au XIII°, et d'une histoire de la charité qui a vivifié partout le meilleur de ce que l'humanité ait produit. Le défi désormais, n'est justement pas de faire comme si l'idolâtrie actuelle du consensus était la dernière version, certes sécularisée mais tout de même, de cet amour devenu enfin "valeur" commune à tout ce qui est quelque chose ici-bas. Le défi, contre le sécularisme de plus en plus virulent, est de rappeler à temps et à contre-temps, qu'il s'agit de l'amour de Dieu, qu'il est manifesté en Jésus Christ, et que c'est de lui seul qu'on peut le recevoir et en vivre, en s'en remettant à lui totalement et avec confiance: pas du tout consensuel par rapport à ces pouvoirs mondiaux qui vont tout assurer à tous pour le meilleur, pourvu qu'on ne les entrave pas. La dissidence courageuse, interpelle alors chacun dans le sanctuaire de sa conscience où Dieu se tient et nul autre.
Il n'y a donc ni post-chrétien ni post-humain: Jésus Christ mort et ressuscité est insurpassable, "Je crois en un seul Dieu" est le premier article de la foi chrétienne, et qui garde tous les autres. Il faut en effet être totalement décomplexé pour oser cela aujourd'hui. D'autant que le rapport entre la lumière et les ténèbres joue toujours en leur défaveur. "Les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises." Mais celui qui dit la vérité, qui fait le bien, devient comme une petite flamme: plus les ténèbres sont épaisses et plus on voit la lumière, alors qu'elle passerait inaperçue en plein jour.

21 avril 2020

"J'ai mené le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi."


En l'honneur de saint Anselme, nous avons dans la forme extraordinaire les lectures de la messe pour les Docteurs de l'Eglise, avec la deuxième lettre à Timothée, et les débuts du Discours sur la montagne. Tout cela vient à point nommé, pour conclure les méditations sur l'objectivité de la foi et le sens surnaturel de l'engagement chrétien, auxquelles nous incitait la situation actuelle. Or, tandis que le confinement dans sa configuration concrète semblerait presque passer au second plan, autant par lassitude que parce que des perspectives de déconfinement parcellaire commencent d'être envisagées, c'est bien à l'effondrement induit tous azimuts, que nous nous interdisons encore d'appréhender. Le passage du cours du pétrole brut en-dessous de zéro dollar est comme un nouveau voyant qui passe au rouge, bloquant notre capacité d'imaginer ce qu'il y a au-delà des bornes de ce qui serait, alors, encore, notre abri.
C'est là que le Seigneur nous console puissamment par sa Parole souveraine. Où la perspective est à la force et à la vérité, à l'endurance et aux récompenses éternelles. Vous aviez la foi pour autre chose? C'est dommage, parce que l'optique était strictement celle-là! Nous y voilà, donc: réjouissons-nous. Surtout que le Seigneur Jésus dans l'Evangile, se fait presque enthousiaste, même s'il nous invite encore à la vigilance:
"Vous êtes le sel de la terre. Si le sel s'affadit, avec quoi lui rendra-t-on sa saveur? Il n'est plus bon qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes.
Vous êtes la lumière du monde: une ville située au sommet d'une montagne ne peut être cachée. Et on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison."
Ben oui, les Chrétiens sont la clé de ce temps, comme aussi de toutes les époques depuis Jésus Christ. Maintenant que notre orgueil a été jeté bas, et que nous réapprenons à recevoir la grâce du Seigneur au lieu d'en disposer avec arrogance, nous redevenons ceux par qui le Seigneur et sa Mère peuvent agir, "conspirer" dans l'Esprit Saint, pour la manifestation du Royaume: "un règne sans limite et sans fin; règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d'amour et de paix" pour reprendre la Préface de la messe du Christ Roi de l'univers. Ouvrons-nous à cette investiture renouvelée de notre Baptême, après la longue retraite pascale qui nous est prêchée en même temps qu'à tous: prêtres, prophètes et rois de la Nouvelle Alliance, voilà ce que nous sommes, et nous n'y pensions plus. "Oui, Seigneur, Dieu tout-puissant, tes jugements sont vrais et justes" dit l'autel dans l'Apocalypse (16, 7).

20 avril 2020

"Recevez l'Esprit Saint."


Avec la forme extraordinaire, nous retrouvons aujourd'hui le même Evangile de Dimanche dernier, avec l'apparition de Jésus ressuscité au Cénacle le soir de Pâques, et huit jours plus tard l'épisode avec saint Thomas. Ce qui frappe, comme dans la lecture de la première Lettre de saint Jean, c'est l'insistance sur la foi: "une manière de posséder les choses qu'on ne voient pas" comme dit la Lettre aux Hébreux. Dans la vidéo sur l'authenticité scientifique du Linceul de Turin, le commentaire insiste sur l'acte de volonté que comporte la foi, précisément parce qu'elle n'est pas une évidence, mais surtout parce que elle est un consentement à se livrer à Celui en qui l'on croit, et qui nous a toujours précédés.
Du coup, on comprend que le premier acte du Ressuscité soit de "souffler l'Esprit Saint" sur les Apôtres, et à travers eux sur toute l'Eglise, pour consommer leur unité avec lui et leur communiquer son propre élan vers le Père. "De même que le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie." "De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi." "Comme le Père, en effet, relève les morts et leur donne la vie, le Fils, lui aussi, donne la vie à qui il veut." Mais il précise pour ainsi dire le mode d'emploi qui nous achemine à ces plus hauts sommets mystiques de communion avec le Père et le Fils et le Saint Esprit, qui est identiquement la vie éternelle: "Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus."
Mais là, tout devient inintelligible, ou du moins fortement biaisé. Parce que nous remettons à tour de bras, avant même qu'on nous le demande, et a priori dans une universalité concrète du salut qui n'est pas du tout dans le mandat apostolique, au contraire. Car s'il est vrai, surtout au temps où se prolonge encore la Miséricorde divine, que Dieu lui-même courre après le pécheur pour le ramener, il est vrai que pour le ramener, il faut qu'il consente -la foi justement- à se retourner, à revenir, ce qui est précisément "se convertir", ou pour parler latin "faire pénitence". Toutes choses littéralement impensables tant que leurs péchés ne leur sont pas "maintenus", c'est à dire reconnus, dénoncés, refusés, empêchés, combattus, rejetés et proscrits.
Aimons-nous vraiment tous ces gens que nous "déclarons" sauvés, sans qu'ils n'acceptent que Dieu change réellement leur vie, ou si l'on veut qu'ils changent de vie pour l'amour de Dieu, ou encore qu'ils soient réellement sanctifiés pour s'arracher au mal dont ils sont la proie? Quelle est donc à l'inverse, cette main "secourable" qui se tend.. pour enfoncer définitivement dans le mal, non sans avoir préalablement exigé obédience au système dans sa globalité?

19 avril 2020

"CONSÉCRATION SÉRIEUSE"


De consecrationdelafrance.fr
"Aujourd'hui plus que jamais, en ces temps particuliers, nous sommes appelés à une vie nouvelle d'union avec le Christ, et nous sommes peut-être aussi appelés à des engagements nouveaux. (..)
En toute justice, nous devons reconnaître que notre monde, notre pays, nos contemporains et chacun de nous, n'avons pas été assez fidèles, et qu'en nous éloignant ainsi de Dieu, nous avons créé une crise multiforme qui génère beaucoup d'incertitude et de grands dangers.
Notre monde a été infidèle et par le péché, l'athéisme et le mal, il s'est éloigné de Dieu.
Notre pays, la France, "Fille aînée de l'Eglise" et 'éducatrice des peuples", à qui ont été spécialement confiés les trésors du Coeur du Christ et de sa Mère, devrait être "devant" et entraîner le monde, mais elle est malheureusement souvent "derrière" et à la traîne.
Nos contemporains sont pour beaucoup infidèles, perdus et déboussolés parce qu'ils ont oublié Dieu.
Nous-mêmes, les chrétiens, avons été si peu saints, si peu ajustés à Dieu et si peu actifs dans la foi, l'espérance et la charité, que la déchristianisation et l'apostasie se sont sans cesse accentuées.
Aujourd'hui, nous nous reconnaissons humblement grandement débiteurs devant la Justice de Dieu et c'est pourquoi il est particulièrement opportun de se tourner tout spécialement vers sa Miséricorde."

La suite insiste sur le sérieux de la démarche personnelle de chacun. Mais il faut bien garder à l'esprit que c'est Dieu qui consacre, qui rend sacré en mettant sa marque sur ce qui est sien et qu'il reconnaît comme tel. Notre engagement de consécration, dans cette lumière, est alors la ratification d'une réalité instaurée par le Seigneur: au jour de notre Baptême pour ce qui est de notre consécration au Christ; et du haut de la Croix: "Femme, voici ton fils; voici ta Mère" pour ce qui est de notre consécration à Marie. Nous ne nous appartenons pas nous-mêmes, affirme l'Apôtre, nous avons été rachetés à grand prix par le Christ. C'est donc fort à propos que la présentation de la consécration ci-dessus, se réfère à la Justice de Dieu. C'est n'est pas précisément une initiative qui nous revient, mais une réparation où nous sommes déjà en retard; la confession de notre appartenance à Dieu, la reconnaissance que nous avons failli mais que nous sommes encore et toujours à lui. Telle est justement notre splendide espérance: Dieu plus grand que notre coeur et qui connaît tout. De sorte que la question n'est pas exactement de savoir si nous sommes prêts ou pas, mais de nous décider à faire enfin la vérité. A cause de cette dimension essentiellement objective de la consécration, elle peut se faire par un seul ou par beaucoup, saintement ou maladroitement: elle manifeste immédiatement l'empire de Dieu sur toute créature, ce qui remet toutes choses en ordre, et rejaillit ainsi sur les personnes, les biens et les réalités que nous consacrons. L'inconvénient de ne pas le faire en corps constitué et avec nos chefs au temporel et au spirituel, c'est le peu de retentissement du signe, une fois celui-ci obtenu. Certes, dans sa miséricorde, le Seigneur va donner des grâces: mais comme nous ne les aurons pas sollicitées de Lui, en tant que corps constitué et solidaire, nous allons en profiter une fois encore personnellement et d'autres avec nous sans qu'ils le sachent vraiment; mais Dieu par là même, n'aura pas été désigné à tous -qu'ils aient la foi ou pas- comme celui de qui nous recevons tout. Et sur ce point précis, nous manquons sérieusement à l'appel: "J'insiste avant tout pour qu'on fasse des prières de demande, d'intercession et d'action de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d'Etat et tous ceux qui ont des responsabilités, afin que nous puissions mener notre vie dans le calme et la sécurité, en hommes religieux et sérieux. Voilà une vraie prière, que Dieu, notre Sauveur, peut accepter, car il veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité. En effet, il n'y a qu'un seul Dieu, il n'y a qu'un seul médiateur entre Dieu et les hommes: un homme, le Christ Jésus, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous les hommes." (1Tm 2, 1-6)

Seigneur,
En ce Dimanche où nous célébrons ta sainte Miséricorde,
nous nous consacrons au Coeur sacré de Jésus d'où jaillit l'amour de Dieu,
uni au Coeur immaculé et douloureux de sa Mère, la Vierge Marie.
Nous consacrons à ces deux Coeurs nos vies, nos familles, notre pays, la France,
et le monde entier, en cette période d'épidémie et d'incertitude qui touche
particulièrement les plus isolés et les plus fragiles.
En allant au Coeur de Jésus par le Coeur de Marie, nous demandons aussi au
Seigneur, par l'intercession de sa Mère, de bénir et de protéger notre Eglise pour
la rendre de plus en plus fervente et missionnaire, rayonnante de la Miséricorde
divine auprès de tous.
Dans la lumière de la Résurrection, que le Seigneur redonne à notre monde la foi,
l'espérance et la paix et qu'Il écarte cette épidémie!
Notre Père...
Je vous salue Marie...
Gloire au Père, et au Fils et au Saint-Esprit.
Coeur Sacré de Jésus, j'ai confiance en toi,
Coeur Immaculé et douloureux de Marie, protège-nous.

Octave de Pâques

"Vous allez obtenir le salut des âmes qui est l'aboutissement de votre foi."


La deuxième lecture est à reprendre mot à mot comme à nous directement adressée, nous établissant résolument dans la dimension surnaturelle et mystique de la foi et de la vie chrétienne. Puissions-nous nous y tenir définitivement et jusqu'à la fin: nous n'avons pas besoin d'autre viatique pour l'après-confinement.
"Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ: dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d'entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure.
Cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi, pour un salut prêt à se révéler dans les derniers temps.
Aussi vous exultez de joie, même s'il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d'épreuves; elles vérifieront la valeur de votre foi qui a bien plus de prix que l'or - cet or voué à disparaître et pourtant vérifié par le feu -, afin que votre foi reçoive louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ.
Lui, vous l'aimez sans l'avoir vu; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d'une joie inexprimable et remplie de gloire, car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l'aboutissement de votre foi." (1P 1, 3-9)

18 avril 2020

"Il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu."

Notre Dame des Loges

Il est significatif que l'Evangile selon saint Marc conclue le résumé des apparitions du Christ ressuscité à ses disciples, par la reprise en point d'orgue, de ce qui était comme un refrain déjà lorsqu'il les instruisait en marge des trois années de son ministère public: "il leur reprocha leur manque de foi et la dureté de leurs coeurs parce qu'ils n'avaient pas cru ceux qui l'avaient contemplé ressuscité." Puis il leur dit: "Allez dans le monde entier. Proclamez l'Evangile à toute la création." Ce qui signifie au moins deux choses.
D'abord, le fait que les Apôtres eux-mêmes, et leurs successeurs encore plus, devront toujours revenir à l'humble acte de foi qu'ils demandent par ailleurs aux autres. Ils ne sont pas les maîtres des choses de Dieu, mais les intendants; et ce qu'on attend d'un intendant, affirme saint Paul, c'est en somme qu'il soit fidèle. Le Concile Vatican II, prophétique à plus d'un titre, recommande dans la Constitution Dei Verbum sur la Révélation divine, que le Magistère n'est pas au-dessus de la Parole de Dieu.
A cet égard, et maintenant que la première sidération passée, nous sommes plus attentifs à certaines invraisemblances aux conséquences incalculables, et dans la perspective d'un assouplissement progressif du confinement général, il serait approprié de transposer ainsi les mots des Actes: "Quant à nous, il nous est impossible de réserver ce sur quoi nous avons été établis pour le distribuer." Car une chose est dispenser les Sacrements pour le bien spirituel des âmes, une autre différer les fêtes où la communauté se plaît à se retrouver à l'occasion de l'oeuvre de Dieu.
Mais il faut aussi comprendre que la prédication apostolique n'épuise pas la vitalité salvifique de la Parole, qui va bien au-delà de la foi vécue du disciple missionnaire ou du ministre. Caïphe lui-même, étant grand prêtre cette année-là, fut prophète, on sait pour quelle abjection. Notre Eglise a opportunément retrouvé les ressources cachées de la communion spirituelle et de la grâce comme vie de l'âme, et la fécondité du sacerdoce royal des fidèles, en une saine autonomie qui ne les réduit pas aux taches de suppléance au ministère des prêtres, dont nous nous sommes volontiers arrangés. De sorte que le dernier mot de l'Evangile selon saint Marc, est justement l'affirmation réconfortante: "Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l'accompagnaient."
De quoi nous remplir d'espérance, tandis que le Cénacle du Jeudi Saint va devenir dans les semaines qui viennent, celui de la Pentecôte. Nous ne pouvons pas ne pas être de ce Rendez-Vous.

17 avril 2020

"La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle."

Cinq pains et deux poissons
Sculpture de Luc Vandevelde (pierre)

Au cours de l'Octave de Pâques, nous découvrons paradoxalement dans quelle ambiance s'est exercée la prédication apostolique à ses débuts: mensonge et corruption, intimidation, persécution. Aucun doute sur l'issue: ceux qui les font comparaître sont ceux-là mêmes qui ont condamné Jésus au matin du Vendredi Saint, et c'est encore eux qu'on retrouvera pour livrer le Diacre saint Etienne, le premier des martyrs, à la lapidation, quelques chapitres plus loin. La "dictature du relativisme" mettrait-elle en oeuvre un même processus? Et comment y réagissons-nous?
Quoi qu'il en soit, la parole de saint Pierre est claire et sans alliage: "Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d'angle. En nul autre que lui, il  n'y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n'est donné aux hommes, qui puisse nous sauver." Il est primordial que nous retrouvions une telle simplicité dans l'annonce, parce que avant, nous serons revenus à la réalité de la foi, sa vérité aussi dans l'ordre de l'histoire des personnes, et des sociétés. C'est l'objectivité de la foi, indépendamment des hauts et des bas des adhésions subjectives que nous y prêtons.
Certes, saint Pierre surfe, si l'on peut dire, sur la vague provoquée par la guérison de l'infirme, ce que nous nous interdisons a priori de faire: "pas de course au merveilleux"! Mais nous devons au moins, et hors de tout danger de récupération maladroite, nous référer sans honte à cette question redoutable que l'Eglise, dans son existence même, pose à chacun: "deux mille ans que les clercs s'acharnent à la détruire, et toujours debout", pour résumer l'argument. Qui dit mieux? Une histoire qui se confond pratiquement avec l'histoire de la charité, pour parler comme S. Jean Paul II.
Mais il y a aussi des signes que le Seigneur donne, non pas forçant le merveilleux, mais appelant notre conversion, c'est à dire notre confiance en lui et notre amour pour lui. "Je ne tenterai pas le Seigneur", reçoit cette réponse du prophète: "eh bien le Seigneur lui-même vous donnera un signe", prophétie accomplie dans le Nouveau Testament: "voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un Fils." On l'a déjà dit, notre temps est comme illuminé par le message de la Sainte Vierge à Fatima, non pas en dévotion privée, mais comme Providence de Dieu dans l'histoire du genre humain.
"Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Coeur immaculé". C'est précisément là que se trouve la nécessité que les consécrations soient faites "publiquement": afin que le signe venant ensuite, accrédite la dévotion et permette au plus grand nombre de l'embrasser, et non pas la seule "élite" spirituelle qui "n'a pas besoin de signe". C'était le sens de la consécration de la Russie "le Pape en union avec les Evêques du monde entier", pour sa conversion; c'est la portée d'un renouvellement de la consécration de la France, pour demander d'être délivré de la pandémie: le signe advenant, la conversion s'en trouve facilitée au plus grand nombre, et la dévotion demandée est promue.
Toutes considérations quelque peu "étranges", sauf si l'on se place d'abord et essentiellement dans l'idée du salut éternel des âmes, qui se trouve en Jésus, "car aucun autre nom n'est donné aux hommes, qui puisse nous sauver." Voilà pourquoi, pour ce qui relève de nous, la récitation quotidienne du chapelet, si possible en famille, est décisive par les temps qui courent.

16 avril 2020

"À vous d'en être les témoins."

Saint Pierre

La Parole de Dieu ce Jeudi dans l'Octave de Pâques, rapporte aux sources les plus saintes le mandat apostolique et le contenu du message, tant pour l'annonce que pour la mise en oeuvre:
- la Passion du Christ;
- sa Résurrection d'entre les morts le troisième jour;
- la conversion en son nom pour le pardon des péchés;
- à toutes les nations, en commençant par Jérusalem;
- à vous d'en être les témoins.
Vérifions rapidement, si telle fut bien la prédication de saint Pierre le jour de la Pentecôte, après le premier miracle accompli devant le peuple:
-vous avez tué le Prince de la vie;
- lui que Dieu a ressuscité d'entre les morts;
- c'est ce nom lui-même qui vient d'affermir cet homme, convertissez-vous et tournez-vous vers Dieu pour que vos péchés soient effacés; 
- en ta descendance seront bénies toutes les familles de la terre. C'est pour vous d'abord que Dieu a suscité son Serviteur; pourvu que chacun de vous se détourne de sa méchanceté;
- nous en sommes témoins: tout repose sur la foi dans le nom de Jésus Christ.
Et donc telle est aussi la prédication de l'Eglise inchangée depuis 2000 ans: clé de l'Ecriture, ressort de la Tradition, axe du Magistère autorisé. Et donc aussi le contenu de notre foi, l'objet de nos pensées, la substance de notre témoignage, la matière de notre engagement. Remarquons, pour nous encourager à ne pas mettre de limite au don de Dieu, qu'il dit "Convertissez-vous et tournez-vous vers Dieu" à ceux qui étaient précisément les champions du vrai Dieu au sein du monde païen.
Sacré renouveau, en effet, et qui nous concerne au premier chef, comme bénéficiaires et comme ouvriers, ou pour parler comme maintenant: en tant que disciples-missionnaires. Joyeuses Pâques 2020.

15 avril 2020

"De l'argent et de l'or, je n'en ai pas."

Croix de Jérusalem en bois de Terre Sainte

"Mais ce que j'ai, je te le donne: au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche." J'ai foi et je crois à la puissance du nom de Jésus et de son sang. Voici balisée en huit jours, par la lecture du sang de l'Agneau Jeudi Saint dernier et par le récit du premier miracle après la Pentecôte ce Mercredi de Pâques, encadrant les Trois Jours Saints de Pâques, la conversion à laquelle nous atteler: croire à la puissance du nom de Jésus et de son sang, manifestée dans le mystère pascal. "Parce qu'il s'est fait obéissant jusqu'à la mort et la mort de la Croix, Dieu l'a élevé et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom" (Ph 2, 6-11).
Conversion, parce que saint Pierre affirme: "de l'argent et de l'or, je n'en ai pas". Sommes-nous bien sûr que l'attachement au monde -oh, non, Seigneur, pas nous- ou plutôt notre confiance dans les moyens du monde, n'ont pas peu à peu disqualifié la foi chrétienne aussi au tribunal le plus secret de notre conscience, et pas seulement dans les institutions publiques de nos sociétés sécularisées? Pourquoi donc Benoît XVI régnant dénonçait-il la séduction des techno-sciences comme tentation mortelle, parce qu'elle enfermerait sans remède l'humanité dans son orgueil? pour finir, pape émérite, en imputant les abus dans l'Eglise, à son autosuffisance?
Combien de temps nous faudra-t-il encore pour en prendre acte et nous reprendre vraiment et de façon durable? Car une certaine impatience à l'annonce de dates à venir, augure plutôt d'une hâte à tout reprendre comme avant, avec plus de frénésie encore: un peu comme dans les années folles.. pendant que la Vierge Marie demandait le chapelet quotidien, sinon on aurait une guerre plus terrible encore; et qu'elle affirmait dans une perspective nous concernant encore: Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Coeur immaculé; c'est par là qu'on aura la paix. Ce ne sont toujours pas ces moyens surnaturels que nous mettons officiellement en oeuvre.. parce qu'en fait nous avons plus d'argent et d'or que de foi?
La foi, justement, l'épisode d'Emmaüs nous en brosse le lamentable tableau. Leur foi, c'était d'espérer "que c'était lui qui allait délivrer Israël", et ils n'y croient même plus. Les paroles des femmes, la Loi et les Prophètes, rien n'y fait. Et lorsqu'ils "s'efforcent de le retenir", c'est peut-être seulement dans l'espoir de renouer le fil interrompu, de recommencer comme avant. Certes, ils le reconnaissent à la fraction du pain, mais "il disparut à leurs regards", tout comme il avait dit à Marie Madeleine, pourtant plein d'amour: "ne me touche pas". C'est que la foi ne sera jamais "une proie à ravir" pour parler comme l'hymne de la Lettre aux Philippiens qu'on citait plus haut, elle appellera toujours ici-bas une conversion qui nous arrache sans cesse à nous-mêmes si nous voulons appartenir au Seigneur. On parle donc de foi "à tiroirs" comme les charades.
Prendre alors appui sur la foi de Simon-Pierre? Mais il est tellement Simon, et si peu Pierre, qu'il retourne à la pêche, comme on le verra bientôt; et non pas seulement lui, mais les autres demanderont encore le jour de l'Ascension: est-ce maintenant que tu vas glorifier Israël sur les nations? A partir de la Pentecôte, on comprendra une fois pour toutes qu'on n'aura plus jamais Jésus comme avant, mais qu'il viendra continuellement à l'Eglise, dans la puissance de l'Esprit, "pour être sa Tête, elle qui est son Corps, la plénitude de celui qui remplit tout."

14 avril 2020

"Frères, que devons-nous faire?"

Peinture de Nadia-Marie Fornerod

De ces paroles qui retentissent en plein dans notre actualité.. après tout, le même saint Pierre confirme dans sa première lettre que tout ce qui a été écrit, l'a été pour notre édification, à nous qui sommes de l'Alliance nouvelle éternelle. Non pas tant pour notre excellence, nous commençons à sentir dans notre chair jusqu'où nous tombons, mais parce que nous sommes de "ces temps qui sont les derniers", et avons cru au mystère du Christ: "que tous le sachent donc, Dieu l'a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié."
Or la question reçoit deux réponses aussi directes: "convertissez-vous et que chacun soit baptisé", si ce n'est encore fait; et pour le reste: "Détournez-vous de cette génération tortueuse, et vous serez sauvés." Puisque le confinement fait affleurer un certain nombre d'évidences qu'il n'est pas besoin de reprendre ici, et tandis que notre existence peut se résoudre à sa plus simple expression, il faut prendre avec une totale simplicité et sans artifice, les exhortations qui font la trame des Actes des Apôtres, surtout dans les premiers chapitres que nous aurons dans la liturgie tous ces jours-ci.
Le message est parfaitement clair: Jésus est le seul Sauveur, il est folie de penser ou de faire comme si il y avait quelque voie autre que lui, Chemin vivant qui nous conduit vers le Père. Non pas une conviction à renforcer: mais une réalité aussi abrupte que l'être et le néant, dont on est rendu participant par la foi ET le rite sacramentel du Baptême dans la sainte Eglise. Au sortir du confinement, ne pensons pas recommencer comme avant: nous ne pourrons pas faire l'économie d'une cohérence nouvelle, comme un recommencement après une ruine.
Surtout que l'Apôtre dit aussi de ne plus collaborer à cette génération "tortueuse": mot splendide de précision. La "Com" qui subjugue toute vie, semble s'être emparée quelquefois même de la parole ecclésiastique: on pense alors en fonction du monde, et non pas d'abord devant Dieu, en ayant devant les yeux le salut éternel des âmes. Des laïcs ont eu l'initiative d'une supplique aux Evêques de France pour un renouvellement des consécrations de notre pays au Sacré Coeur de Jésus et au Coeur immaculé de Marie, par l'épiscopat unanime. Cela n'a pas semblé opportun tant qu'un véritable consensus ne se dégageait, en tout cas pas aussi rapidement qu'on l'envisageait, puisque la date du Dimanche de la Miséricorde était proposée; il fallait déjà se réjouir que personnellement chacun de ceux qui le désiraient le fassent, comme d'ailleurs plusieurs Evêques en avaient eu l'initiative pour leur diocèse.
Dans son message de Pâques, le Duc d'Anjou, "chef de la Maison de France" tel qu'il se présente, s'est plu "à songer au poids qu'aurait une consécration solennelle de la France effectuée par l'ensemble de son épiscopat, à laquelle s'associerait le maximum de fidèles." Et lui en voyait l'occasion pour Pâques, fête de la Résurrection. C'est qu'en effet, il ne s'agit pas, dans une telle perspective, de dévotion privée éventuellement partagée par un grand nombre, mais de l'expression de l'âme d'un grand corps que nous formons, personnifié par ses chefs qui sont en charge du bien commun, au plan spirituel et au plan temporel. Cela, le Duc d'Anjou semble le comprendre pour ainsi dire d'instinct, puisqu'il écrit: "successeur légitime des rois de France qui ont toujours compris leur fonction dans sa double dimension terrestre et divine, ce serait de mon devoir de m'y associer et je le ferais en mon âme et conscience." Merci, Monseigneur.

13 avril 2020

"Les soldats prirent l'argent et suivirent les instructions."

Vitrail de la chapelle N.D. des Loges

Cette année, nous avons eu au cours de la Vigile pascale, la proclamation de la Résurrection dans l'Evangile selon saint Matthieu, l'apparition de Jésus aux saintes femmes, précédée d'un tremblement de terre et de la venue d'un ange qui roule la pierre, laissant les soldats qui gardaient le tombeau, tétanisés et comme morts. Ceux-là mêmes que nous retrouvons dans l'Evangile de ce Lundi dans l'Octave de Pâques. Ils n'ont pas vu Jésus, ni la résurrection, mais seulement les effets de la puissance de l'ange. C'est que l'accès à Jésus ressuscité est réservé ici-bas à la foi et à la charité.
Ceci dit, il faut tout de même s'arrêter, à cause de la ressemblance, qui n'est pas fortuite, avec notre époque, sur la vaste entreprise de communication en forme de "fake-news" sur laquelle tous les pouvoirs d'alors convergent. Autorités religieuses, gouverneur, puissance publique et puissances d'argent, s'entendront au moins une fois pour occulter la vérité et empêcher la diffusion de la Joyeuse Nouvelle: Celui que vous avez crucifié, Dieu l'a ressuscité d'entre les morts.
Les prophètes l'avaient annoncé: "Tu ne peux m'abandonner au séjour des morts ni laisser ton fidèle voir la corruption." On a déjà eu l'occasion de souligner comme l'acte de foi est comme "à tiroirs": il faut croire que Dieu peut nous sauver de la mort; mais il faut croire plus profondément encore que si nous mourons, il accueillera notre âme au jugement particulier, et ressuscitera même notre corps au Dernier Jour. Ce qu'il a manifesté en Jésus, lequel "ayant présenté sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, fut exaucé en raison de sa piété."
Dès lors, il y avait quelque chose de pathétique dans le message de Pâques de François, juste avant la bénédiction urbi et orbi, du fond de la basilique Saint Pierre déserte. Comme en aparté, au moment où il évoquait la tristesse d'un confinement qui empêchait tout rassemblement et tout culte public en ce Jour très Saint, on a entendu sur les lèvres pontificales, en un souffle: "c'est pour sauver des vies". Et là, la proportion est vertigineuse et nous perdons pied: répété par tous et par tout, c'est le fil liant la gerbe des événements que nous traversons.

12 avril 2020

PÂQUES IN RESURRECTIONE DOMINI






VÉRIFICATION SCIENTIFIQUE DE L'AUTHENTICITÉ
DU LINCEUL DE TURIN

il s'agit d'un processus de vérification au sens fort, c'et-à-dire de faire la vérité scientifique sur le Linceul, que synthétise A.A.UPINSKY, L'Eglise à l'épreuve du  Linceul. "Et vous, qui dites-vous que je suis?", François Xavier de Guibert, 2010. Entre le rationalisme et le fidéisme, la voie est celle de l'épistémologie, qui vérifie les méthodes pratiquées et les résultats obtenus, et parvient ainsi à la vérité comme architecture: I. de la crise épistémologique, II. à la probabilité, III. à la certitude.

I. Crise épistémologique
La publication de la datation au Carbone 14 de trois échantillons du Linceul, a mis toutes les sciences en crise: en effet, la datation annoncée à grand renfort de publicité, était en contradiction avec les résultats que les sciences avaient obtenues en 100 ans d'étude, et décrédibilisait donc du même coup leurs méthodes respectives.
Cette crise épistémologique a provoqué: au plan scientifique, un processus de libération de l'intelligence; au plan médiatique: un processus de brouillage; au plan religieux, et c'est moins compréhensible: un verrouillage du processus d'authentification, puisque à la dernière ostension exceptionnelle de ce soir, les gens d'Eglise n'ont parlé que "d'icône" et à aucun moment de "relique".
Le Linceul étant devenu un objet "scientifiquement équivoque" relançait la recherche de probabilité et exigeait qu'on arrive cette fois à une certitude, au risque, sinon, de disqualifier la méthode scientifique dans son ensemble.

II. Probabilité
La probabilité établit un premier degré d'authenticité. Les sciences physiques ont réfuté l'hypothèse de l'artiste, et l'hypothèse du faussaire, comme scientifiquement non-reproductibles, même au XX° siècle: un artiste ou un faussaire de nos jours, ne pourrait reproduire une telle chose, ce n'est donc pas une hypothèse scientifiquement recevable. De plus, Upinsky fait remarquer qu'un faussaire a pour but de tromper les gens, et donc il s'efforce de leur présenter ce à quoi ils s'attendent en fait de crucifixion. Au contraire, le faussaire supposé du Linceul a un comportement anti-conformiste qui va à l'encontre de toutes les représentations de la Passion en son temps: l'image en négatif, des mains sans pouces, les clous dans les poignets, des images sanguines bizarres, un bonnet d'épines et non une couronne, Jésus nu. En réfutant ainsi l'hypothèse du faussaire, la datation au Carbone 14 vers le moyen-âge tombe du même coup. Mais les sciences physiques authentifient aussi "un homme crucifié" comme générateur de l'image.
Le deuxième degré d'authenticité est établi par les sciences historiques: il s'agit du Crucifié historique des Evangiles, car de Jésus de Nazareth seul, on a rapporté une passion et une crucifixion qui coïncide à ce point avec ce que montre le Linceul.
La combinaison de la Science, de l'Histoire et de la Sémantique, établit le troisième degré d'authenticité: par défaut, cet objet est le vrai linceul des Evangiles, "retombé à sa place" comme l'a vu saint Jean dans le sépulcre, et comportant "l'irradiation" du Crucifié.
La Science se trouve ainsi devant un double signe de contradiction: 1) quant à la formation de l'image, l'image du corps est une "impression sans contact", qui évoque un procédé "radio-photographique"; 2) quant au retrait du corps, l'image du sang est le résultat d'un "retrait sans contact"  qui évoque l'idée d'une "désintégration-évanescence". Le fait générateur de ces deux phénomènes fut sans doute, une seule et même "impression-retrait-sans-contact", I.R.S.C. Or la Science ne dispose d'aucun modèle étalon pour identifier, en positif, "l'empreinte-retrait-sans-contact", l'évanescence du corps comme préalable à un phénomène inconnu. Elle ne pourra que conclure, en négatif, à la non-contradiction scientifique du Linceul et des Evangiles, quand ils parlent de "résurrection".
Autrement dit, il a bien fallu que le corps disparaisse: soit par putréfaction, ce qui aurait dû laisser des traces; soit par un retrait, ce qui aurait dû laisser des marques d'arrachement. Or le Linceul ne donne aucun signe, ni de l'un ni de l'autre. Comment expliquer cette contradiction? Le point crucial est que le signe de contradiction qu'est le Linceul, et le signe de contradiction qu'est l'annonce de la Résurrection dans les Evangiles s'authentifient réciproquement. Upinsky écrit: "Le scientifique ne peut pas savoir ce que pourrait être une "résurrection". Mais il doit convenir que si -par un procédé inconnu- un corps se "dématérialise", son "évanescence" ne doit plus laisser de traces matérielles. Or, les Evangiles relatant un phénomène de ce type, il est sémantiquement cohérent que le Linceul n'en garde la trace que par défaut: il n'y a rien, absolument. Ce qui conduit à la conclusion: tout se passe comme si l'homme du Linceul s'était retiré du Linceul selon un procédé qui est à l'origine de l'image. Ce procédé, en tous points conforme au récit des Evangiles, reste scientifiquement inexplicable, bien que non contradictoire. Sémantiquement, le dernier chapitre des Evangiles est même la seule explication qui, dans l'état actuel des connaissances, soit en mesure de donner un sens au signe de contradiction du Linceul.
A quoi il faut ajouter l'encryptage du message, et l'infalsifiabilité du Linceul, qui le marque comme un message nous étant destinés à nous, hommes modernes. Non reproductibilité de l'image; négatif parfait; trous dans les mains correspondant à l'espace de Destot; tridimensionnalité accessible depuis l'ordinateur; les pouces rétractés n'apparaissent que grâce à l'ordinateur; boue sous les talons (microscope), traces de coton Gossypium Herbaceaum du Moyen Orient; 29 pollens spécifiques; couples homologiques (pre/post mortem;  couronne-barbe, etc.); "défauts" parfaits (coude droit plus écarté que le gauche s'explique par le contact du linceul avec la plaie au coeur; coup au côté droit, aux dimensions 48x15 mm de la lancea romaine, et dans la logique de l'escrime romaine: le latus apertum est à droite, le flanc gauche étant protégé par le bouclier, donc le légionnaire a instinctivement frappé la droite du Crucifié; les empreintes sanguines -dont l'analyse implique des connaissances médicales absolument inconnues il y a cent cinquante ans- sont conformes en tous points (ruissellement de la couronne d'épines, ondulations sur  les côtes, caillots dans les creux musculaires, pathologie des plaies); les taches de sang aux épaules correspondent à celles de la tunique d'Argenteuil; non explication de l'inaltérabilité de l'image lors du retrait;  tout cela n'est ni visible, ni lisible, ni intelligible sans optique et sans la science ultra-contemporaine. De sorte qu'au bout de nos instruments, retentit la question redoutable qui nous attendait nous: et vous, qui dites-vous que je suis?

III. CERTITUDE
La certitude de l'authenticité est établie par le triangle épistémologique, véritable architecture de la vérité scientifique: un événement (fait générateur), laisse une trace physique, vestige archéologique (medium ou signe), et une trace morale, archive mémoire (sens ou message). C'est en remplissant intégralement le triangle caractéristique du Linceul, à partir de la seule case Linceul, en identifiant ses trois côtés, que la Science a démontré l'authenticité du Linceul: le Linceul (vestige archéologique) remontant à son fait générateur (la passion de Jésus de Nazareth) avec pour explication cohérente de l'I.R.S.C. le message de la Résurrection. A l'inverse, il n'est pas possible de construire le triangle caractéristique du faux du XIII/XIV° siècle: une fois posée l'hypothèse du faux, la case reste isolée, on ne parvient pas à savoir quelle est la science qui a réussi à faire ce faux, on ne sait pas du tout quel est le fait générateur, on ne connaît pas l'historie de ce faux ni son message, l'accord sémantique est impossible; l'hypothèse du faux débouche sur une impasse totale. "Cette logique de la certitude, conclut Upinsky, correspond d'ailleurs, aux fonctions physiologiques fondamentales: celle du cerveau gauche pour le médium; celle du cerveau droit pour le message, et celle de la mémoire pour l'histoire. C'est donc nécessairement dans cette logique que restera la recherche, quels que soient, à l'avenir, les découvertes et les ajustements.

En fait, le Linceul est un film qui déroule le mystère pascal dans son entier: il représente l'image de la Passion, il comporte du vrai sang d'avant la mort, et du vrai sang d'après la mort, il n'y a pas de métabolisme ni décomposition, et il présente l'Impression-Retrait-Sans-Contact, interrogation encryptée et infalsifiable, qui n'était déchiffrable qu'avec nos instruments.