"Personne ne les arrachera de ma main."
Messe de S. Pie V, entendre: selon le rite de S. Pie V et le jour de la fête de S. Pie V... Toussa pour ça!
L'occasion, probablement de se dire, dans la suite de réflexions précédentes, qu'il n'appartient pas vraiment aux fidèles de s'étriper pour des questions de liturgie, mais qu'il relève plutôt du ministère pastoral des prêtres de voir ce qui est à faire au regard des signes des temps, de ce dont leurs ouailles ont besoin, de ce à quoi ils ont droit, de ce qu'ils peuvent supporter, de ce qu'il peuvent apprendre et découvrir, de ce qu'ils doivent connaître et transmettre, etc., dans l'immense champ du patrimoine de l'Eglise pour ce qui est du culte public et de la vie chrétienne. A cette droiture du clergé correspondrait la confiance renouvelée des fidèles.
Car nous pouvons nous dire que les deux formes du rite romain sont à la fois relativement semblables et profondément différentes, répondant l'une et l'autre à deux axes majeurs du Mystère chrétien, qui se complètent et ne sauraient être réduits l'un à l'autre; d'où également l'importance d'honorer la cohérence de chaque forme en s'abstenant absolument de les mélanger.
Ce
que « la nouvelle
messe » met en œuvre, c'est
l'Action sacrée par
excellence, et
tout doit concourir à en
manifester la noble simplicité, car
elle n'est pas de ce monde :
le Peuple saint convoqué par
son Dieu, rassemblé dans l'unité du Père et du Fils et du Saint
Esprit, à la louange de sa gloire, pour annoncer les merveilles de
celui qui les a appelés des ténèbres à son admirable lumière. On
incrimine souvent la pauvreté des rubriques et leur flou. Mais la
sacralité sous cette forme du rite, s'exprime non pas précisément
dans les choses, mais surtout par les personnes elles-mêmes et la
Rencontre qu'il leur est donné de vivre : elles
sont consacrées par le
Christ, qui vient encore à
elles comme leur Chef et leur Pasteur, c'est la portée théologique
et eschatologique de la venue du prêtre à l'assemblée et qui lui
fait face : « Il
lui a tout soumis et, le plaçant plus haut que tout, il l'a donné
pour Tête à l’Église qui est son corps, accomplissement total du
Christ,
lui que Dieu comble totalement de sa plénitude » (Ep 1,
22-23) ; le
prêtre agit justement
in Persona Christi Capitis
c'est-à-dire dans
la Personne du Christ Tête et non pas seulement en son nom, pour
que tous aient part, chacun selon son état, à la triple fonction
sacerdotale, prophétique et royale qui est celle de Jésus Christ.
Car il n'y a pas d'Eglise auto-suffisante et auto-référentielle.
Qui pourrait dire qu'il ne
s'agit là de l'originalité absolue du culte chrétien dans toute
l'histoire des religions ? La démythification radicale,
l'instauration du culte en esprit et en vérité. Tout est de Dieu à
Dieu par Dieu et pour Dieu, au point qu'on oublierait, du sein de
cette plénitude divine, qu'on
est encore sur la terre,
qu'il faut mener le bon combat et garder la foi : si
l'on est
déjà ressuscité en espérance, la Croix demeure indépassable
ici-bas.
Or, la forme extraordinaire du rite romain nous donne providentiellement de célébrer une messe « de combat », ciselée contre les effets délétères sur la Foi, de la sécularisation commencée à la Renaissance, dont la pseudo-réforme protestante fut l'accélérateur calamiteux, et dont le monde donne aujourd'hui l'abominable spectacle. Elle concentre donc sur une unique célébration tout l'ensemble de la foi, et répète à chaque pas l'adhésion au mystère de la Rédemption qu'elle donne de vivre en raccourci intégralement à chaque messe. En insistant sur la dimension surnaturelle de la vie chrétienne et la perspective de l'au-delà, ainsi que sur l'expression du sacré par la matérialité ponctuelle des gestes et des rites, elle garantit l'objectivité de la foi tandis que la source empoisonnée de la corruption de tout l'édifice chrétien était précisément le subjectivisme. Dès les premiers mots et jusqu'à la fin sans aucune interruption, elle entraîne littéralement dans le Royaume de Dieu pour y refaire son âme, ce que rendait possible l'usage universel du missel bilingue pour les fidèles, et ensuite revenir à ce monde pour une lutte sans merci contre l'adversaire, pour laquelle notre vigilance est aiguisée instant après instant. Splendide conjuration du sécularisme laïciste, que la lecture après l'envoi et la bénédiction finale, à chaque messe, de l'essentiel du Prologue de saint Jean ! En rentrant de nouveau dans le monde comme le Christ lui-même, à « ceux qui ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme », la Parole annonce encore une fois la victoire de l'Incarnation avant même le combat pascal : « et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire ». D'ailleurs, le retour fréquent des mêmes textes bibliques, et donc le lectionnaire restreint que l'on reproche au missel de saint Pie V pourtant choisi soigneusement et élaboré par des siècles de pratique, sert la vie chrétienne essentiellement militante, puisque à l'évidence il contribue à la mémorisation de la lettre même de l'Ecriture, pour que les textes au fondement de la foi de l’Église dans la Parole de Dieu, soient la possession tranquille de chacun dans son âme. Qui nierait l'efficacité de cette messe pour les temps de persécutions ?
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