LA DÉMONSTRATION THÉOLOGIQUE
On va certainement reparler de plus en plus souvent de la Messe. C’est pourquoi il semble opportun de présenter le principe-clé de la théologie sacramentaire, qui permettra à chacun, Dieu aidant, de se faire une opinion solide à partir de tout ce qui sera dit et fait par les uns et les autres. Ce principe éclaire notamment trois questions théologiques de première importance : la validité de la messe dite de Paul VI et des ordinations faites après Vatican II ; la préférence à donner néanmoins sans réserve à la célébration de la messe dite de S. Pie V ; l’urgence pour l’Église et chacun d’entre nous, d’assumer l’intégralité de la vie liturgique. « Sacramenta significando causant » est un principe à tiroirs comme les charades, qui ouvre lui-même sur l’intention du ministre et l’adage « Ecclesia supplet ».
Les Sacrements agissent « en signifiant »
Les sacrement agissent « en signifiant ». Cela veut dire que l’effet que produisent les sacrements ou la grâce qu’ils communiquent, sont réalisés effectivement par les mots et les gestes qui signifient ces effets et ces grâces et nous permettent ainsi de les recevoir. Par exemple : « Untel, je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » en versant de l’eau sur Untel, signifie et réalise l’effacement de la tache originelle et le cas échéant des péchés personnels, l’impression du caractère baptismal et le don de la vie divine. Telle est la dignité dans laquelle Dieu nous établit lorsqu’il nous touche : Son Esprit s’adresse à notre esprit pour signifier ce qu’il fait, afin que nous sachions qu’il le fait et y apportions le consentement du meilleur de nous-mêmes. C’est ainsi que rien n’est jamais purement automatique ou matériel dans les choses de Dieu avec nous, comme le serait une magie, mais toujours hautement personnel, y compris et surtout lorsqu’il s’agit d’entrer dans le mystère du Verbe incarné.
On comprend alors que l’intention du ministre soit décisive dans l’administration des sacrements. Il ne s’agit pas du contenu de sa conscience intellectuelle ou psychologique au moment où il célèbre, mais de la décision dans sa volonté de faire ce que veut faire l’Église dans cette célébration. Cette intention se voit dans l’attitude générale du ministre ; elle est présumée puisqu’il emploie les rituels, gestes et paroles de l’Église ; elle est simplement exprimée quand on dit : « je vais dire la messe », et non pas « je vais à la pêche » . Il n’est pas besoin de questionner la théologie ou la conception qu’il a du ministère sacerdotal, car « l’intention du ministre » ne se situe pas à ce niveau, mais dans la volonté qu’il a de faire ce que fait l’Église : le Christ et l’Église agissent, le ministre met sa personne à disposition pour que cela se fasse ; même s’il ne sait pas pleinement ce qui se fait.
Dès lors, en tout et pour tout, l’Église supplée si nécessaire, au positif et au négatif, puisque c’est elle la partenaire principale du Christ, en tant que son Épouse, et en tant que son Corps mystique dont il est la Tête. Par exemple, l’idéal est que nous soyons bien disposés avant de recevoir un sacrement : si ce n’est pas le cas, l’Église supplée, le sacrement est donné et reçu, nous manquons une partie des grâces, mais elles sont comme en sommeil, jusqu’à ce qu’elles puissent trouver chemin à leur éclosion dans notre âme. L’idéal est que les ministres soient accordés à la sainteté des biens qu’ils administrent : si ce n’est pas le cas, l’Église supplée, le sacrement est donné et reçu, sans bénéfice pour le ministre sinon un rappel à conversion, et les fidèles auront peut-être même un surcroît de grâce en offrant leur peine d’être mal traités au cœur des choses saintes. Mais l’Église soutient aussi au positif, en ce que les effets des sacrements ne se limitent pas à ce que le ministre même le plus saint en perçoit, ni à ce que les fidèles même héroïques en font, mais rejoignent l’immense trésor des mérites du Christ dans la communion des Saints, à laquelle les sacrements contribuent tout en en étant aussi la dispensation.
Ce principe-clé permet, pour les questions décisives qui nous occupent, une démonstration théologique claire et sûre, dont chacun pourra juger après y avoir réfléchi.
La Messe de Jésus-Christ
Validité de la messe dite de Paul VI et des ordinations après Vatican II. Remarque au passage, « le bref examen critique » souvent mentionné, n’a porté que sur une messe qui fut célébrée seulement quelques mois dans l’Église (promulguée en juin 1969, critiquée en septembre 1969 avec réponse deux mois plus tard) puis remplacée en 1970 après amendements, comme ensuite en 1975 (IIa editio typica) et encore en 2002 (IIIa editio typica) ; corrections, reprises, ajustements et développements allant généralement dans le sens de réduire l’écart avec la Tradition. Quoi qu’il en soit, saint Thomas pose la question : quand exactement la transsubstantiation est-elle opérée ? Et il répond tout simplement : lorsque les mots qui la signifient sont prononcés, parce que les sacrements agissent en signifiant ; et ces mots sont : « hoc est enim corpus meum » ; ainsi que « hic est enim calix sanguinis mei novi et aeterni testamenti ». Or ces mots figurent strictement à la Consécration dans toutes les prières eucharistiques de la messe de Paul VI. Et comme on a par eux la double transsubstantiation du Corps et du Sang séparés sur l’Autel, la mort du Christ est signifiée et donc aussi rendue présente (les sacrements opèrent ce qu’ils signifient): c’est donc bien identiquement le seul et unique sacrifice du Calvaire, sous les apparences sacramentelles non sanglantes du Corps et du Sang du Seigneur.
« Oui, mais ils ne croient pas à la Transsubstantiation et ne parlent jamais du Sacrifice ». Cependant, ils disent les paroles qui signifient ce qu’elles opèrent ; avec l’intention de dire la messe, c’est-à-dire de faire ce que fait l’Église quand la messe est dite. Dont acte.
« Mais sont-ils encore prêtres depuis qu’on a changé le rituel des ordinations ? » Je répondrai par mon cas personnel. Important, après tout : la messe que je dis depuis plus de quarante-quatre ans est-elle un simulacre ou bien la messe ? J’ai été ordonné par le Cardinal Léon-Etienne Duval, archevêque d’Alger, Mohamed Duval pour les intimes, qui était condisciple d’un certain Marcel Lefèvre au Séminaire Français de Rome dans les années 20, avec comme Recteur du Séminaire le fameux Père Le Floch (plus Action Française que lui, tu meurs), celui-là même qui fut l’intermédiaire pour l’audience que Benoît XV avait accordée à Claire Ferchaud, et que le Saint Père n’a pu honorer, rappelé à Dieu entre temps. Le Cardinal Duval était donc, sans nul doute, Évêque dans la succession Apostolique. Lorsqu’il ordonnait des prêtres en utilisant le rituel de l’Église, il avait l’intention de faire ce que fait l’Église depuis les Apôtres, et il faisait donc des prêtres. Pour mon ordination, le rituel était celui de Paul VI, avec comme signe l’imposition des mains en silence, puis les paroles consécratoires : « Nous t’en prions, Père tout-puissant, donne à ton serviteur que voici d’entrer dans l’ordre des prêtres ; répands une nouvelle fois au plus profond de lui-même l’Esprit de sainteté ; qu’il reçoive de toi, Seigneur, la charge de seconder l’ordre épiscopal.. » paroles qui réalisent ce qu’elles signifient et que le Cardinal a prononcées avec l’intention de faire de moi un prêtre comme le fait l’Eglise : je suis donc instantanément entré dans l’ordre des prêtres, consacré par l’Esprit Saint à la charge de seconder l’ordre épiscopal. Précisons que Pie XII avait déjà fixé l’imposition des mains, et si la « tradition des instruments » (patène et calice) restait le grand moment, elle figure bien dans le nouveau rite aussi, avec les paroles : « recevez l’offrande du peuple saint pour la présenter à Dieu. Ayez conscience de ce que vous ferez, imitez dans votre vie ce que vous accomplirez par ces rites et conformez-vous au mystère de la croix du Seigneur ». L’essentiel est là, clair et assuré. Pour le reste, si nécessaire, Ecclesia supplet.
Pourquoi dès lors, préférer sans réserve la messe de S. Pie V ? Encore pour la même raison : tout simplement parce que les sacrements déploient leur efficacité par la manière dont ils la signifient. Et là, il est évident que la messe traditionnelle a atteint un tel degré de signification et de perfection dans le culte divin, l’expression de l’intégralité de la foi, la nourriture de la vie chrétienne et le salut des vivants et des morts, que toute autre façon de faire en diminue le fruit spirituel ; raison pour laquelle S. Pie V l’a promulguée à perpétuité, autorisé à perpétuité tout prêtre à la célébrer sans scrupule de conscience ni besoin d’autre autorisation, interdisant à perpétuité qu’on empêche de la célébrer ou d’y assister, interdisant à perpétuité qu’on oblige à célébrer autrement. Il est tout aussi évident que la messe de Paul VI explicitement allégée, simplifiée et largement adaptable, n’emporte plus autant de signification ni d’universalité, ni par conséquent autant d’efficacité dans la grâce à recevoir (les sacrements agissent en signifiant), ni par rapport au culte, ni par rapport à l’édification de la vie chrétienne ou le salut des âmes. Il est donc le plus souvent préférable, lorsque c’est possible, d’avoir la messe traditionnelle.
Le même principe explique pourquoi la généralisation de la concélébration reste contraire à tous les textes liturgiques, malgré l’usage courant. Le problème n’est pas précisément les « intentions de messe » : il suffit de l’énoncer pour le comprendre. Chaque prêtre prend en charge l’intention pour laquelle il dit la Messe ; et il applique à cette intention les fruits du Sacrifice qu’il actualise et rend effectivement présent, comme on l’a vu ci-dessus, en disant les paroles qui le signifient et opèrent la double transsubstantiation : imposition des mains, paroles de la Consécration et geste démonstratif. C’est exactement ce qu’il fait en concélébrant : il a donc bien célébré le Sacrifice et honoré l’intention.
Le problème de la concélébration se pose en réalité au niveau de ce qu’elle signifie (et donc de ce qu’elle réalise) comme grâces auxquelles elle donne accès ; et c’est justement la raison pour laquelle il est indu de la généraliser au point qu’elle devienne comme la forme normale de la messe, et encore pire le critère discriminant de toute messe. En effet, les deux significations majeures, et donc les deux grâces principales qu’on tire de la concélébration, ce sont d’une part la manifestation (et donc le renforcement) de l’unité du Sacerdoce reçu des Apôtres (idéalement on concélèbre avec l’Evêque) ; et d’autre part la manifestation (et donc le renforcement) de l’unité de l’Église qui constitue le fruit ultime du Sacrifice eucharistique. On comprend qu’elle est donc normalement réservée à des occasions particulièrement significatives ou exceptionnelles, typiquement le Jeudi Saint dans la Cathédrale ; et ne saurait être banalisée sans dommage, surtout pour des raisons simplement pratiques qui seraient déjà un aveu de mauvais aloi. D’autant qu’à la vérité, la concélébration se paie, comme dans un marché de dupes, par l’occultation ou la contradiction de plusieurs significations et grâces plus ordinaires mais plus immédiatement ordonnées au bien des âmes dans la célébration de la messe, et donc plus courantes et nécessaires, comme s’en rend compte le peuple chrétien par instinct : « ils sont tous là ensemble et il n’y a personne à notre église pour dire la messe » ; remarque légitime puisque la multiplication des prêtres et des messes a eu pour raison au départ, d’en rendre les grâces plus facilement accessibles au plus grand nombre.
Plus profond et plus grave : l’unicité de l’Autel et de l’Hostie, occultent invinciblement la multiplicité de ceux qui exercent dans la Personne du Christ seul Prêtre dans l’acte de son Sacrifice, et occultent donc la participation multipliée à l’application de ses fruits ; au point que c’est l’objection courante mais inexacte à la concélébration : « une seule messe est dite », alors qu’on voit bien tous les prêtres en couronne, dire chacun à voix basse les paroles de la Consécration. Comment ne pas évoquer le cardinal Ratzinger restant sans voix dans la crypte d’une des abbayes de la Tradition, devant les multiples messes basses célébrées par chaque moine avec son servant à chacun des autels latéraux ? Vraiment la puissance de feu spirituel de l’Église, décuplée au niveau de ce qui est montré et par conséquent aussi de ce qui est réalisé, répandu, compris et reçu.
Mais il faut dire mieux encore, avec l’intuition de Claire Ferchaud pour la Messe Perpétuelle demandée par le Sacré-Cœur à Loublande: « C’est donc au nom de l’Univers qu’un Autel sur un point précis, ferait monter vers le Père, Dieu Eternel, sans interruption, le Seul Très Saint, l’Unique efficace Sacrifice de l’Agneau sans tache, la sublime adoration, la profonde action de grâce, l’intégrale expiation, l’irrésistible imploration » (Les Rinfillières). On en approcherait l’idée, si dans les réunions de prêtres, au lieu d’expédier la concélébration avant l’apéro, la messe était célébrée successivement par chacun d’eux à la chapelle au fur et à mesure, depuis le matin jusqu’à la fin de la rencontre, comme en fondement de toute l’œuvre pastorale qui se discuterait pendant ce temps-là par les autres dans la salle de travail: cela donnerait à comprendre, et réaliserait donc, que la pastorale n’est pas notre œuvre pour Dieu, mais l’action du Seigneur pour nous ; un retournement à 180° ! Connaît-on cette vision de Claire Ferchaud, touchante d’intimité, qui dit on ne peut mieux, le mystère du prêtre ? Avant la messe, elle voit Jésus à l’entrée du sanctuaire, tourné vers l’Autel de son Sacrifice, et il se retourne un peu en arrière sur la droite, vers la porte d’arrivée de la sacristie dans l’attente du prêtre ; celui-ci arrive, revêtu des habits sacerdotaux, et parvenu à l’entrée du sanctuaire il se fond dans la Personne du Christ et la messe commence.
La Liturgie de l’Église
On aura enfin compris après cinquante ans de guerre liturgique, que les deux camps doivent définitivement abjurer l’esprit révolutionnaire qui s’infiltre partout, et ne voit l’issue que dans la néantisation de la position adverse ; comme si l’on pouvait, en matière liturgique, faire table rase de ce que l’Église a vécu une fois comme l’exercice public de son Culte au Dieu vivant et vrai : qu’il s’agisse de la messe des siècles que nous appellerons « traditionnelle » ou de celle des cinquante dernières années que nous appellerons « actuelle ». En vérité, abominable des deux côtés, le mépris avec lequel on ose parler de ce qui est réellement l’offrande du Christ à son Père, en expiation de tous les péchés ; odieux de se glorifier de n’y jamais participer, comme gage d’impeccabilité dans la vertu chrétienne, qu’elle soit traditionnelle ou actuelle ; un peu Ponce Pilate, que militer pour qu’on nous laisse tranquilles dire notre messe comme si nous n’étions pas concernés par ce que font presque tous les autres ; nouveaux Caïphe, qui repoussent hypocritement dans les marges ceux qu’ils accuseront ensuite de faire bande à part. Mais l’heure n’est plus aux règlements de comptes ; à l’Église d’oser penser que la querelle et les abus liturgiques détournaient l’attention, comme l’arbre cache la forêt, du profond dysfonctionnement déploré en vain par les derniers Papes : une Eglise auto-référentielle et qui s’auto-célèbre. La remise en cause de ce que nous avons cru faire de meilleur est maintenant inévitable, et tous ceux qui ont vécu la période, Pasteurs et Fidèles de tous bords, doivent s’y atteler.
Posons d’abord deux questions préliminaires pour nous situer. Comment se peut-il que la Messe ne soit jamais célébrée nulle part telle que décrite et codifiée dans la IIIa editio typica du Missale Romanum, même pas ou très rarement par le Pape lui-même à Saint Pierre de Rome ? Certes, les traductions approuvées et les adaptations encadrées en sont la juste expression ; mais le modèle typique lui-même n’est jamais mis en œuvre, pourquoi ? Parce que l’Église universelle n’est plus qu’une abstraction, n’existe plus que « dans les églises particulières et à partir d’elles » (LG 23), modelée et se réalisant au gré de la vie locale des communautés. Or, la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans la Note de mai 1992 « sur certains aspects de l’Église comprise comme communion », avait complété la formule de Lumen Gentium, en affirmant : les églises particulières existent « dans et à partir de l’Église universelle ». Car, expliquait la Note, dans cette intériorité mutuelle, l’Église Universelle précède chronologiquement et théologiquement les églises particulières parce qu’Elle les engendre à la foi apostolique comme leur Mère et en fait de véritables églises en se rendant Elle-même présente en elles. La réalité est donc à l’inverse de ce qui est généralement compris et vécu dans les diocèses : c’est bien en mettant en œuvre ce qui est de l’Église universelle, que les églises particulières sont continuellement façonnées comme de véritables églises à l’image de leur Mère la sainte Église Catholique, et se développent dans le lien de sa Communion pour participer à sa Vie. « La nature de mystère de ce rapport entre Église universelle et Églises particulières est évidente; ce rapport n'est pas comparable à celui qui existe entre le tout et les parties dans tout groupe humain ou société purement humaine » (Cf. nn. 7-9). On voit l’ampleur du travail à envisager, pour nous remettre dans la vérité de l’éclairage surnaturel de la doctrine catholique de l’Église, et de notre manière de vivre en son sein.
Mais à partir de cette première question, une seconde se pose, avec le même genre de réponse. Pourquoi y a-t-il eu un « après-Concile » au lieu de son application pure et simple ? Parce que le détournement de l’assemblée conciliaire a échoué, grâce notamment à la résistance courageuse de ceux qu’on a réduits comme la « minorité » traditionaliste, et grâce à la volonté tenace du Pape que les Documents soient adoptés à l’unanimité dans toute la mesure du possible : dès lors les textes ont dû comporter ce qui pouvait les rendre acceptables à la dite « minorité » aussi. Si bien que dès la fin du Concile, ceux qui s’appelaient fièrement les progressistes et étaient surtout quelques Evêques Français et Allemands avec leurs experts, ont écarté définitivement ces textes pourtant promulgués par le Pape et avec lui la quasi unanimité des Évêques, textes auxquels eux-mêmes avaient beaucoup travaillé mais qui ne pouvaient plus leur servir ; pour faire la promotion universelle d’un soi-disant « esprit du Concile » qui dissimulait de moins en moins bien la violence avec laquelle ils ont imposé leurs idées ; ce n’était au fond que la version ecclésiastique pédante du gauchisme bourgeois en plein essor à l’époque chez nous. Les derniers soubresauts de cette idéologie sécularisée, désormais exténuée non seulement dans le monde mais aussi dans l’Église, montrent par leur férocité, de quels endurcissements elle filait le masque débonnaire.
C’est pourquoi, au Manifeste de Notre-Dame de Chrétienté, après « Vérité » et « Justice », le mot « Réparation » serait plus approprié que celui de « Paix », car le Pardon qui s’oppose à la vengeance stérile, d’emblée acquis entre Baptisés, rend possible la justice et encourage la réparation, pour le plus grand bien de toute l’Église. Il y a eu scandale au plus haut niveau dans l’Église, et pas d’hier : or, François a mis en jeu l’unité de l’Église pour expliquer son intervention et la brutalité de son application en 2021 ; il n’est donc plus possible d’en rester au sentimentalisme et aux incantations, c’est au contraire l’occasion providentielle de faire enfin la vérité puisqu’il s’agit de la Foi, c’est à dire du dépôt sacré de la Révélation et du Salut donné, reçu, gardé, transmis.
Pour amorcer la pompe du repentir, osons enquêter sur la participation des fidèles laïcs au ministère des prêtres, vache sacrée de la pastorale, qui fit l’objet en août 1997 d’une Instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi avec plusieurs autres Congrégations et Dicastères romains, comportant des principes théologiques et des dispositions pratiques. Immédiatement, émergent les axes majeurs de la pratique commune en désobéissance ! Rome demande et explique pourquoi les prêtres doivent se libérer d’autres tâches s’il le faut, pour célébrer eux-mêmes personnellement les funérailles ; dans les diocèses français ils sont interdits d’enterrement même pour des membres de leur famille. Rome préconise que les visiteurs de malades ne se transforment pas en ministres ordinaires de la communion, mais préparent par leur soutien fraternel les malades à recevoir le prêtre qui leur donnera les sacrements, en particulier la confession, l’onction des malades et la communion ; dans les paroisses françaises et les maisons de santé, les hosties consacrées circulent partout dans les custodes ou les boîtes à pilules en toute charité. Et pour faire bonne mesure, tandis que des Évêques français prennent des décrets interdisant plus de trois mariages d’affilée, pour retarder s’il est possible, le burn out de leurs prêtres, Rome avait demandé qu’ils explorent plutôt en conférence épiscopale la possibilité que des fidèles laïcs assistent aux mariages au nom de l’Église, puisque les ministres du Sacrement en sont les époux eux-mêmes. Où en serions-nous, si nous n’avions pas désobéi : en fait d’évangélisation ? de banalisation de l’Eucharistie ? de communion hiérarchique vitale du Peuple de Dieu dans la distinction des Prêtres et des Fidèles ?
Nous n’éviterons pas non plus quelques sentences inquisitoriales, au goût amer de la loi détestable des suspects, appliquée comme un nouveau style des relations dans l’Église, piétinant les consciences et bafouant Dieu qui seul sonde les cœurs et les reins ; une manière pourrait-on dire alla bergogliana, soudainement interrompue par la mort du Pape, et tous sont dans l’expectative à l’aube du nouveau pontificat. Que personne ne joue les victimes : se soumettre aux abus, c’est s’en rendre complice. Par contre, il n’est que justice et la réparation appelle, que les rôles soient inversés au moins une fois, ne serait-ce que pour retrouver la confiance. Que ceux qui ont imposé aux « suspects » de prouver leur reconnaissance de la messe actuelle en la célébrant et en y participant un Dimanche par mois, prouvent à leur tour que la messe actuelle est bien la suite organique de la messe traditionnelle, en la célébrant et en y assistant un Dimanche par mois dans leur paroisse. Ces mêmes qui prétendent croire encore à la transsubstantiation malgré des apparences douteuses, qu’ils prouvent leur bonne foi en communiant au moins une fois par mois à genoux et sur la langue. Que ceux qu’on accuse maintenant de ne plus savoir que la messe est avant tout un acte de culte envers Dieu, se disculpent en célébrant au moins un Dimanche par mois tournés vers le Seigneur et non pas les uns vers les autres.
Conclusion
L’Église a bon dos, elle a aussi les épaules larges ; elle en a vu d’autres, et elle a promesse de vie éternelle jusqu’à la Manifestation glorieuse de son Maître et Seigneur, tandis que le Juge est à nos portes. « Vous annoncez la Mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’Il vienne » dit l’Apôtre. Béni soit Dieu pour son Don ineffable, qui nous dépasse infiniment. Il y a la Messe où il nous élève jusqu’à lui pour le culte divin et trinitaire ; et la Messe où il vient à nous pour sanctifier nos vies. Même si Jésus Christ me fait face dans le grand Crucifix du maître-autel, plus simplement que par le visage de ce prêtre qui me regarde. De la consécration des personnes ou de la sacralité des choses, il ne faut évidemment pas choisir ; puisque le déroulement de l’Action par excellence, culmine dans la Présence substantielle qui surpasse tout. On voudrait quelquefois trancher entre le subjectivisme de la célébration actuelle, et l’objectivité du rituel traditionnel, sans considérer la priorité réciproque de ces deux pôles dans notre être même. Saint Thomas l’exprime magnifiquement en deux formules métaphysiques. « La personne est ce qu’il y a de plus excellent en raison de sa nature rationnelle », elle est le « subpositum », le Sujet et ultime référent de son existence même, c’est pourquoi tout l’ordre sacramentel dans ce qu’il a de plus sacré, est fait « pour nous les hommes et pour notre salut » ; on reconnaît ici la légitimité de la messe actuelle, sa tonalité, son orientation. Mais la personne est aussi « en quelque sorte en puissance par rapport à ses actes », c’est-à-dire qu’elle ne peut s’accomplir pleinement qu’en s’unissant par ses actes spirituels à ce qui objectivement la dépasse et se donne à elle, capacité qui fait précisément son excellence. Et là, resplendit la perfection insurpassée de la messe traditionnelle.
basclergeensabots
La Vieille Poste, 21 août A.D. 2025, mémoire de S. Pie X
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