09 août 2025

Textes en souffrance - 1 : Sacerdoce

 

Quelques textes sont restés en souffrance depuis des mois. Le début du nouveau pontificat où nous nous prenons à croire que des choses peuvent se passer, semble propice pour leur publication. C'est en plus aujourd'hui 9 août, le 44ème anniversaire de mon ordination sacerdotale, à Saint Pierre d'Entremont; raison pour laquelle les photos seront des photos de Chartreuse. 

On a déjà compris que l'Eglise ne parviendra pas à s'arracher à ses ornières, sans le secours énorme de son Maître et Seigneur, Jésus Christ. Mais nous devons désormais prendre en compte que cela ne sera pas sans le consentement courageux et du fond de l'âme à une remise en cause radicale de tout ce que nous avons cru avoir de meilleur; ébranlement  commencé paradoxalement par François avec le Motu Proprio "Traditionis Custodes", qu'à vrai dire nous avons bien pris soin de mésentendre. Et là, nous sommes tous et chacun concernés, car nous n'échapperons pas à la Parole mystérieuse du Christ : celui qui a, on lui donnera encore; mais celui qui n'a pas se fera enlever même ce qu'il a.

Voici, pour commencer, le script des trois dernières chroniques faites sur Radio Espérance en juin 2024, sur le Sacerdoce.

Téléchargeable en pdf

 

SACERDOCE

- I -

Nous consacrons les toutes dernières chroniques du mois de juin, à parler du sacerdoce. Bien sûr, parce qu'avec la fin de l’année scolaire dans les Séminaires, c'est le temps des ordinations avant l'été, où les jeunes ordonnés pourront déjà exercer le ministère reçu ; avec la focalisation significative sur la solennité de saint Pierre et saint Paul, soulignant que les prêtres participent comme collaborateurs des Évêques de la mission apostolique universelle ; ainsi que la solennité de saint Jean-Baptiste, dont on sait que le Curé d’Ars, patron des prêtes de France et de tous les curés de l'univers, l'avait pris comme modèle en rajoutant son nom au sien au moment de sa Confirmation, expliquant que comme Saint Jean Baptiste, il amènerait les foules au Christ, ce qui fut fait. Mais, beaucoup moins folichon, c'est surtout parce que le sacerdoce continue d'être malmené : nous avons encore un problème avec les prêtres. Non pas cette fois, à cause des abus qu'ils commettent, ni les abus qu'ils subissent déjà comme séminaristes, encore et toujours et plus que jamais ; mais parce que le sacerdoce est de plus en plus dénaturé dans l’Église actuelle, le mot est précis théologiquement, et parce qu'il est probablement soluble dans la liturgie tel qu'elle est de plus en plus célébrée de partout.

Mais pourtant, le sacerdoce est l'amour du Cœur de Jésus, comme disait saint Jean-Marie Vianney, c'est-à-dire jaillissant de son Cœur au moment de son plus grand amour : lorsque donnant sa vie pour ses amis, il institue par les mêmes gestes et les mêmes paroles, de façon simultanée, l’Eucharistie et le Sacerdoce, dont la fonction essentielle est d'en assurer la célébration de génération en génération. Pouvons-nous le redire ? Il s'agit de la mise en œuvre par nous, pauvres hommes, de l'acte d'offrande du Saint Sacrifice de la Messe par Jésus en personne, le même qui s'offrit sur la Croix et qui s'offre encore sacramentellement à la Messe, par les mains du prêtre. On comprend que le Crucifix que Notre Dame montre à Pontmain, soit rouge et écarlate. Or, se répand dans le Peuple de Dieu de plus en plus largement, le sentiment diffus que quelque chose ne va pas, et qui appellerait une sorte de remise en cause de fond en combles, de ce qu’on croyait avoir fait de meilleur.. impossible ! Exactement, c’est sidérant d’y penser, comme dans la société civile, de plus en plus de gens perçoivent que la relation fondamentale du Pouvoir aux gens, est totalement faussée ; sans réussir à penser, toutefois, qu'il faudrait alors remettre en cause les fondements idéologiques les plus sacrés du régime en place. Mais jusqu'à quand pourrons-nous différer l’œuvre de vérité qui, pour crucifiante qu'elle puisse être, doit seule nous libérer ?

Au passage, disons bien fort que le mot « complotiste » ne sert qu'à neutraliser ceux qui tâchent d’échapper aux comploteurs, exactement comme l'accusation de « cléricalisme » sert surtout à disqualifier ceux qui s’opposeraient aux abus dans l’Église et s’efforceraient d’y remédier. Avant de mener notre petite enquête, posons a priori la base de l'esprit catholique, dont on ne peut trouver expression plus claire, que dans la première Lettre aux Corinthiens, par deux fois : à savoir qu'il n'y a jamais dans l’Église de retournement à 180 degrés, mais seulement un développement organique et harmonieux, qui fait éclore doucement et porter du fruit aux splendeurs divines du dépôt sacré de la Révélation et du Salut ; pour la gloire de Dieu, l'édification de l’Église, notre joie, et la confusion de l'adversaire. « Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu et dans lequel vous demeurez fermes, par lequel aussi vous vous sauvez si vous le gardez tel que je vous l'ai annoncé ; sinon vous auriez cru en vain. Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu.. » et il annonce alors la Résurrection du Christ. Mais juste avant il avait aussi transmis le mystère de l’Eucharistie en ces termes : « Pour moi, en effet, j'ai reçu du Seigneur ce qu’à mon tour je vous ai transmis. Le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain et après avoir rendu grâce le rompit, etc.. ».

Et donc, le Concile Vatican II ne doit pas être pris comme un commencement absolu, évidemment, ou comme le résumé exclusif de tout ce qu'est la vie ecclésiale ; ni 1789 dans l'Église, comme l’a avoué follement un cardinal à l’époque : mais un simple aggiornamento, c'est-à-dire l'adaptation de ce qui vient des circonstances seulement, au rythme nouveau de nos existences ; et nullement un changement de la réalité chrétienne, encore moins l’abolition de ce qui a précédé, ni le délire de son interdiction téméraire. La seule loi ici dans l'Église, c'est la foi et les meurs : tout le reste est libre. Et là, pensons à cet avertissement de saint Paul dans la lettre aux Galates : « Il y a seulement des gens en train de jeter le trouble parmi vous, et qui veulent bouleverser l’Évangile du Christ. Eh bien, si nous-mêmes, si un ange venu du ciel vous annonçait un Évangile différent de celui que nous vous avons prêché, qu'il soit anathème. Nous l'avons déjà dit et aujourd'hui je le répète, si quelqu'un vous annonce un Évangile différent de celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème. Il ne saurait être question de plaire aux hommes, mais à Dieu. »


- II -

En fait de sacerdoce, on est quand même parti de très loin ; ou plus exactement, on est allé très loin. Pas la peine de réécouter les chroniques quotidiennes de l'Année sacerdotale 2009-2010. Quand, loin d'imaginer d'inventer du nouveau, on s'est émerveillé des documents très riches, spirituellement, doctrinalement et disciplinaires, généralement oubliés, s'ils n'avaient été simplement ignorés. Toujours actuelle donc, puisque depuis toujours dans l'église, la présentation que fait saint Thomas d'Aquin du sacrement de l'Ordre à partir du sacrement de l’Eucharistie, reprit en cela par le concile de Trente : l’Eucharistie étant le Très Saint Sacrement, elle appelle la consécration non seulement de ses édifices et des objets de son culte, mais aussi des personnes qui la célèbrent. Le sacrement de l'Ordre est donc le sacrement qui consacre des personnes au service de l’Eucharistie : le sacerdoce qui donne le pouvoir de la célébrer, et les autres degrés dont le nombre et la dignité s'expliquent par leur proximité à l’Eucharistie. Ainsi du degré du Diaconat, qui n'est pas sacerdotal dans le sacrement de l'Ordre, parce qu'il ne célèbre pas l’Eucharistie, mais la distribue seulement ; et ainsi des ordres mineurs. Prolongée à Vatican II dans Lumen Gentium, comme pierre angulaire de la communion hiérarchique du Peuple de Dieu : nous lisons au numéro 10, « le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, qui ont entre eux une différence de nature et non pas seulement de degré, sont cependant ordonnés l'un à l'autre, puisque l'un comme l'autre participe à sa façon de l'unique sacerdoce du Christ. » Ce qui, somme toute, recoupe la distinction spontanée du sens commun, et même parmi les non-chrétiens : les hommes de Dieu d'une part, les simples fidèles d'autre part.

Mais comme l’Écriture elle-même emploie le mot « sacerdoce » aussi à propos de la consécration baptismale « prêtre, prophète et roi » de tous les fidèles, la distinction essentielle entre les deux va faire naufrage dans les eaux bouillonnantes de l’après-concile. Et voici comment : pas du tout par déviance ni abus, mais très officiellement en 1972, Paul VI motu proprio Ministeria Quaedam, supprime les quatre premiers degrés du sacrement de l'Ordre, qu’il remplace par des ministères laïcs, réduits à deux, lectorat et acolytat, éventuellement ouverts à la création d'autres ministères, réservés toutefois aux hommes, malgré un changement décisif d'orientation ; puisqu'on ne regarde plus vers l’Eucharistie au service de laquelle on serait consacré, par ce qui n'est déjà plus un sacrement, mais des ministères au service de la communauté. On a d'ailleurs du même mouvement, supprimé la tonsure et la prise de soutane qui l’accompagnait, pour renvoyer l'entrée dans l'état clérical au Diaconat, désormais premier degré du sacrement de l'Ordre. De sorte que l'homme jeune qui rentre au Séminaire après une année de propédeutique, où on aura bien veillé à offrir à son discernement toutes les vocations non seulement sacerdotales mais aussi religieuses et laïques, va parcourir les nombreuses années de la voie de sa formation sacerdotale, de nature prétendument différente de la voie baptismale commune, en n’ayant pour seules étapes scandant sa progression, que la réception des ministères qui sont identiquement ceux des laïcs ; désormais ouverts aussi aux femmes, ce qui interdit toute équivoque.

D'autant que, au moment où l'on forgeait la liturgie actuelle, la très belle Préface de la messe chrismale dans le Missel Romain, voit dans le Saint-Chrême les merveilles de l'onction des Baptisés, avec l'expression « dignité du sacerdoce royal », pour enchaîner avec le choix « des hommes qui, en recevant l'imposition des mains, auront part à son ministère », et donc on se dit : mais où est donc le sacerdoce ? Et en se reportant à la Préface de la liturgie traditionnelle, ô surprise, aucune mention des prêtres !.. Puisque le mémorial de l'institution du Sacerdoce des Prêtres, ce sera le soir du Jeudi Saint, en même temps que l'institution de l’Eucharistie, comme le donne à voir le Lavement des pieds, de douze hommes représentant les Douze Apôtres ; tandis que la messe chrismale du Jeudi matin est tout orientée sur la célébration des Sacrements de l'Initiation Chrétienne que recevront les baptisés de la nuit de Pâques, avec ces mêmes Huiles. Deux messes distinctes donc, pour deux Mystères qui ont entre eux une différence de nature et non pas seulement de degré.

Au contraire, avoir ajouté à la messe des Saintes Huiles le matin, une mention des prêtres et leur demander de renouveler leurs promesses sacerdotales, c'est les placer dans l'optique baptismale au service de laquelle ils sont établis par leur ministère ; dont le partenariat avec le Peuple de Dieu est comme renouvelé chaque année, finalement très loin de la consécration du sacrement de l'Ordre, au service de l'offrande du Saint Sacrifice Rédempteur et du culte eucharistique.. Prêtre pour l'éternité. On comprend alors ce qu'il y a de choquant à obliger les prêtres suspects, à participer à cette messe sous peine de disqualification ; et le scandale à exiger qu'ils y concélèbrent, malgré toutes les lois encore en vigueur qui garantissent leur liberté. Surtout quand cette messe chrismale est sortie du Triduum pascal et anticipée le plus souvent au Mardi Saint, comme si « le grand sacrement de toute l’Église ne naissait pas du côté du Christ endormi sur la croix ».


- III -

L'expérience abominable de ces dernières années à l'échelle mondiale, a confirmé l'efficacité massive du principe de l'injonction contradictoire : pour prendre le contrôle des populations et les soumettre, rien de plus simple, rien de mieux que de leur imposer des incohérences nécessaires ; véritable viol de l'esprit lui-même, qui anéantit la capacité de comprendre et détruit la pensée, dont la version vulgaire est le « deux poids, deux mesures ». Or il devient de plus en plus difficile de ne pas se rendre compte, que tel est le régime aussi dans la sainte Église de Dieu, et depuis fort longtemps. En fait, depuis qu'une minorité dite progressiste, se perpétue grâce à ce mode opératoire récurrent du cléricalisme triomphant. Car des contradictions énormes sur des vérités majeures de la Foi, nous en avons dès que nous entrons dans une église ; et leur effet confondant, c'est le cas de le dire, s'impose à nous dès que la messe commence.

Notre Seigneur Jésus-Christ est en principe le Maître, le Chef, la Tête de l’Église, et nous professons qu'il est réellement et substantiellement présent sous les espèces eucharistiques conservées au tabernacle. Or, ce n'est pas du tout cette Présence qui nous saisit d'emblée, puisque le tabernacle n'est pas au milieu du sanctuaire, et possiblement dans une chapelle latérale, voire dans un autre lieu ; pour les meilleures raisons du monde, et hautement spirituelles. Mais, en vrai, n'est-ce pas donner à comprendre, d'ailleurs c'est explicite dans les instructions, que cette présence-là gène le bon déroulement de la célébration ? Car lorsqu'il y a un maître-autel avec un tabernacle monumental, on l'utilise quand même malgré tout, parce que c'est plus pratique au moment de la communion. Mais, naturellement, la célébration a lieu sur une table ou un autel portatif qui sera placé devant ou en bas des marches, pour qu'on puisse en faire le tour. Et, de fait, c'est ce petit meuble que le célébrant en arrivant, après dans le meilleur des cas une génuflexion protocolaire vers le tabernacle, va vénérer d'un baiser, puis encenser comme si c'était Jésus lui-même ; alors qu'il lui tourne le dos au tabernacle, en l’ignorant superbement pendant toute la messe ! Comment donc les prêtres pourraient-ils ne pas être en court-circuit permanent, et éventuellement disjoncter carrément, à subir pareil traitement, quotidiennement, on nous ment, et au cœur de l'Action la plus sublime de leur ministère.

Et avant eux les Séminaristes, dont toute la formation se déroule sous le signe de la même injonction contradictoire. Ce dont on peut se convaincre, si l'on superpose les premiers numéros du Directoire pour le ministère et la vie des prêtres, disons le produit fini ; et les premiers numéros de la dernière Ratio Fundamentalis promulguée par Rome et appliquée par chaque Conférence épiscopale pour son territoire, qui donne le plan de formation. En 2013, au numéro 1, le Directoire, en une fulgurance capitale, formule le fondement et la clé de voûte du sacerdoce catholique en ces termes : « le sacerdoce ministériel trouve sa raison d'être dans cette perspective de l'union vitale et opérationnelle de l’Église avec le Christ. En effet, grâce à ce ministère, le Seigneur continue à exercer au milieu de son peuple, les fonctions qui ne reviennent qu'à lui en tant que Tête de son Corps ». Autrement dit, il n'est pas dans l’Église comme l'une de ses fonctions, mais il survient continuellement comme Jésus en personne. Et le Directoire explique : « le sacerdoce ministériel prouve que le Christ n'a pas abandonné son Église, mais qu'il continue à lui donner la vie grâce à son sacerdoce éternel. Ce don institué par le Christ, a d'abord été conféré aux Apôtres, et se continue dans l’Église à travers leurs successeurs les Évêques, qui le transmettent à un degré subordonné aux prêtres. »

Mais en 2016, nous lisons au numéro 3 de la Ratio Fundamentalis exactement l'inverse : « la formation des prêtres s'inscrit dans la continuité d'un unique cheminement de formation du disciple, qui commence avec le baptême, se perfectionne avec les autres sacrements de l'initiation chrétienne, est accueilli comme point central de sa vie au moment de l'entrée au Séminaire, et se poursuit tout au long de l'existence ». Et plus loin « la vocation au sacerdoce ministériel s'insère dans le cadre plus large de la vocation chrétienne baptismale » ; tandis qu’en 2013, le Directoire affirme : « par l'ordination sacramentelle, il se produit dans le prêtre un lien ontologique spécifique qui unit le prêtre au Christ, Prêtre suprême et Bon Pasteur ». Alors qu'en 2016, la Ratio est passée à autre chose : « la vie entière d'un prêtre depuis le moment de son appel est une formation continue, celle d'un disciple de Jésus, docile à l'action de l’Esprit Saint, pour le service de l'Église ». Circulez, il n'y a plus rien à voir, c'est là en effet le lot de tout Baptisé.

Ce qu'il faut comprendre finalement, c'est que les prêtres ont été pris en otages de conflits qui n'auraient jamais dû advenir dans l'Église : et pour résoudre les difficultés, on a dépecé le Sacerdoce ; altérant si gravement la structure de l'Église, qu'Elle ne semble plus vouloir se reprendre. Mais les Prêtres sont encore le moyen et le gage du relèvement de l'Église et de la réhabilitation du Sacerdoce, par l'œuvre de la Messe Perpétuelle : demandée par le Sacré-Cœur dans les années 20 et jusqu'aujourd'hui encore refusée ; mais préparée dans l'invisible. Car après ce qu'il est convenu d'appeler le cataclysme, elle sera selon les mots de Claire Ferchaud : la sublime adoration, la profonde action de grâce, l'intégrale expiation, l’irrésistible imploration.

 

basclergeensabots

juin A.D. 2024

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