Quelques textes sont restés en souffrance depuis des mois. Le début du nouveau pontificat où nous nous prenons à croire que des choses peuvent se passer, semble propice pour leur publication. C'est en plus aujourd'hui 9 août, le 44ème anniversaire de mon ordination sacerdotale, à Saint Pierre d'Entremont; raison pour laquelle les photos seront des photos de Chartreuse.
On a déjà compris que l'Eglise ne parviendra pas à s'arracher à ses ornières, sans le secours énorme de son Maître et Seigneur, Jésus Christ. Mais nous devons désormais prendre en compte que cela ne sera pas sans le consentement courageux et du fond de l'âme à une remise en cause radicale de tout ce que nous avons cru avoir de meilleur; ébranlement commencé paradoxalement par François avec le Motu Proprio "Traditionis Custodes", qu'à vrai dire nous avons bien pris soin de mésentendre. Et là, nous sommes tous et chacun concernés, car nous n'échapperons pas à la Parole mystérieuse du Christ : celui qui a, on lui donnera encore; mais celui qui n'a pas se fera enlever même ce qu'il a.
Voici, pour commencer, le script des trois dernières chroniques faites sur Radio Espérance en juin 2024, sur le Sacerdoce.
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SACERDOCE
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I -
Nous
consacrons les toutes dernières chroniques du mois de juin, à
parler du sacerdoce. Bien sûr, parce qu'avec la fin de l’année
scolaire dans les Séminaires, c'est le temps des ordinations avant
l'été, où les jeunes ordonnés pourront déjà exercer le
ministère reçu ; avec la focalisation significative sur la
solennité de saint Pierre et saint Paul, soulignant que les prêtres
participent comme collaborateurs des Évêques de la mission
apostolique universelle ; ainsi que la solennité de saint
Jean-Baptiste, dont on sait que le Curé d’Ars, patron des prêtes
de France et de tous les curés de l'univers, l'avait pris comme
modèle en rajoutant son nom au sien au moment de sa Confirmation,
expliquant que comme Saint Jean Baptiste, il amènerait les foules au
Christ, ce qui fut fait. Mais, beaucoup moins folichon, c'est surtout
parce que le sacerdoce continue d'être malmené : nous avons
encore un problème avec les prêtres. Non pas cette fois, à cause
des abus qu'ils commettent, ni les abus qu'ils subissent déjà comme
séminaristes, encore et toujours et plus que jamais ; mais
parce que le sacerdoce est de plus en plus dénaturé dans l’Église
actuelle, le mot est précis théologiquement, et parce qu'il est
probablement soluble dans la liturgie tel qu'elle est de plus en plus
célébrée de partout.
Mais
pourtant, le sacerdoce est l'amour du Cœur de Jésus, comme disait
saint Jean-Marie Vianney, c'est-à-dire jaillissant de son Cœur au
moment de son plus grand amour : lorsque donnant sa vie pour ses
amis, il institue par les mêmes gestes et les mêmes paroles, de
façon simultanée, l’Eucharistie et le Sacerdoce, dont la fonction
essentielle est d'en assurer la célébration de génération en
génération. Pouvons-nous le redire ? Il s'agit de la mise en
œuvre par nous, pauvres hommes, de l'acte d'offrande du Saint
Sacrifice de la Messe par Jésus en personne, le même qui s'offrit
sur la Croix et qui s'offre encore sacramentellement à la Messe, par
les mains du prêtre. On comprend que le Crucifix que Notre Dame
montre à Pontmain, soit rouge et écarlate. Or, se répand dans le
Peuple de Dieu de plus en plus largement, le sentiment diffus que
quelque chose ne va pas, et qui appellerait une sorte de remise en
cause de fond en combles, de ce qu’on croyait avoir fait de
meilleur.. impossible ! Exactement, c’est sidérant d’y
penser, comme dans la société civile, de plus en plus de gens
perçoivent que la relation fondamentale du Pouvoir aux gens, est
totalement faussée ; sans réussir à penser, toutefois, qu'il
faudrait alors remettre en cause les fondements idéologiques les
plus sacrés du régime en place. Mais jusqu'à quand pourrons-nous
différer l’œuvre de vérité qui, pour crucifiante qu'elle puisse
être, doit seule nous libérer ?
Au
passage, disons bien fort que le mot « complotiste » ne
sert qu'à neutraliser ceux qui tâchent d’échapper aux
comploteurs, exactement comme l'accusation de « cléricalisme »
sert surtout à disqualifier ceux qui s’opposeraient aux abus dans
l’Église et s’efforceraient d’y remédier. Avant de mener
notre petite enquête, posons a priori la base de l'esprit
catholique, dont on ne peut trouver expression plus claire, que dans
la première Lettre aux Corinthiens, par deux fois : à savoir
qu'il n'y a jamais dans l’Église de retournement à 180 degrés,
mais seulement un développement organique et harmonieux, qui fait
éclore doucement et porter du fruit aux splendeurs divines du dépôt
sacré de la Révélation et du Salut ; pour la gloire de Dieu,
l'édification de l’Église, notre joie, et la confusion de
l'adversaire. « Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je
vous ai annoncé, que vous avez reçu et dans lequel vous demeurez
fermes, par lequel aussi vous vous sauvez si vous le gardez tel que
je vous l'ai annoncé ; sinon vous auriez cru en vain. Je vous
ai donc transmis en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu.. »
et il annonce alors la Résurrection du Christ. Mais juste avant il
avait aussi transmis le mystère de l’Eucharistie en ces termes :
« Pour moi, en effet, j'ai reçu du Seigneur ce qu’à mon
tour je vous ai transmis. Le Seigneur Jésus, la nuit où il était
livré, prit du pain et après avoir rendu grâce le rompit, etc.. ».
Et
donc, le Concile Vatican II ne doit pas être pris comme un
commencement absolu, évidemment, ou comme le résumé exclusif de
tout ce qu'est la vie ecclésiale ; ni 1789 dans l'Église,
comme l’a avoué follement un cardinal à l’époque : mais
un simple aggiornamento, c'est-à-dire l'adaptation de ce qui vient
des circonstances seulement, au rythme nouveau de nos existences ;
et nullement un changement de la réalité chrétienne, encore moins
l’abolition de ce qui a précédé, ni le délire de son
interdiction téméraire. La seule loi ici dans l'Église, c'est la
foi et les meurs : tout le reste est libre. Et là, pensons à
cet avertissement de saint Paul dans la lettre aux Galates :
« Il y a seulement des gens en train de jeter le trouble parmi
vous, et qui veulent bouleverser l’Évangile du Christ. Eh bien, si
nous-mêmes, si un ange venu du ciel vous annonçait un Évangile
différent de celui que nous vous avons prêché, qu'il soit
anathème. Nous l'avons déjà dit et aujourd'hui je le répète, si
quelqu'un vous annonce un Évangile différent de celui que vous avez
reçu, qu'il soit anathème. Il ne saurait être question de plaire
aux hommes, mais à Dieu. »
-
II -
En fait
de sacerdoce, on est quand même parti de très loin ; ou plus
exactement, on est allé très loin. Pas la peine de réécouter les
chroniques quotidiennes de l'Année sacerdotale 2009-2010. Quand,
loin d'imaginer d'inventer du nouveau, on s'est émerveillé des
documents très riches, spirituellement, doctrinalement et
disciplinaires, généralement oubliés, s'ils n'avaient été
simplement ignorés. Toujours actuelle donc, puisque depuis toujours
dans l'église, la présentation que fait saint Thomas d'Aquin du
sacrement de l'Ordre à partir du sacrement de l’Eucharistie,
reprit en cela par le concile de Trente : l’Eucharistie étant
le Très Saint Sacrement, elle appelle la consécration non seulement
de ses édifices et des objets de son culte, mais aussi des personnes
qui la célèbrent. Le sacrement de l'Ordre est donc le sacrement qui
consacre des personnes au service de l’Eucharistie : le
sacerdoce qui donne le pouvoir de la célébrer, et les autres degrés
dont le nombre et la dignité s'expliquent par leur proximité à
l’Eucharistie. Ainsi du degré du Diaconat, qui n'est pas
sacerdotal dans le sacrement de l'Ordre, parce qu'il ne célèbre pas
l’Eucharistie, mais la distribue seulement ; et ainsi des
ordres mineurs. Prolongée à Vatican II dans Lumen Gentium, comme
pierre angulaire de la communion hiérarchique du Peuple de Dieu :
nous lisons au numéro 10, « le sacerdoce commun des fidèles
et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, qui ont entre eux une
différence de nature et non pas seulement de degré, sont cependant
ordonnés l'un à l'autre, puisque l'un comme l'autre participe à sa
façon de l'unique sacerdoce du Christ. » Ce qui, somme toute,
recoupe la distinction spontanée du sens commun, et même parmi les
non-chrétiens : les hommes de Dieu d'une part, les simples
fidèles d'autre part.
Mais
comme l’Écriture elle-même emploie le mot « sacerdoce »
aussi à propos de la consécration baptismale « prêtre,
prophète et roi » de tous les fidèles, la distinction
essentielle entre les deux va faire naufrage dans les eaux
bouillonnantes de l’après-concile. Et voici comment : pas du
tout par déviance ni abus, mais très officiellement en 1972, Paul
VI motu proprio Ministeria Quaedam, supprime les quatre premiers
degrés du sacrement de l'Ordre, qu’il remplace par des ministères
laïcs, réduits à deux, lectorat et acolytat, éventuellement
ouverts à la création d'autres ministères, réservés toutefois
aux hommes, malgré un changement décisif d'orientation ;
puisqu'on ne regarde plus vers l’Eucharistie au service de laquelle
on serait consacré, par ce qui n'est déjà plus un sacrement, mais
des ministères au service de la communauté. On a d'ailleurs du même
mouvement, supprimé la tonsure et la prise de soutane qui
l’accompagnait, pour renvoyer l'entrée dans l'état clérical au
Diaconat, désormais premier degré du sacrement de l'Ordre. De sorte
que l'homme jeune qui rentre au Séminaire après une année de
propédeutique, où on aura bien veillé à offrir à son
discernement toutes les vocations non seulement sacerdotales mais
aussi religieuses et laïques, va parcourir les nombreuses années de
la voie de sa formation sacerdotale, de nature prétendument
différente de la voie baptismale commune, en n’ayant pour seules
étapes scandant sa progression, que la réception des ministères
qui sont identiquement ceux des laïcs ; désormais ouverts
aussi aux femmes, ce qui interdit toute équivoque.
D'autant
que, au moment où l'on forgeait la liturgie actuelle, la très belle
Préface de la messe chrismale dans le Missel Romain, voit dans le
Saint-Chrême les merveilles de l'onction des Baptisés, avec
l'expression « dignité du sacerdoce royal », pour
enchaîner avec le choix « des hommes qui, en recevant
l'imposition des mains, auront part à son ministère », et
donc on se dit : mais où est donc le sacerdoce ? Et en se
reportant à la Préface de la liturgie traditionnelle, ô surprise,
aucune mention des prêtres !.. Puisque le mémorial de
l'institution du Sacerdoce des Prêtres, ce sera le soir du Jeudi
Saint, en même temps que l'institution de l’Eucharistie, comme le
donne à voir le Lavement des pieds, de douze hommes représentant
les Douze Apôtres ; tandis que la messe chrismale du Jeudi
matin est tout orientée sur la célébration des Sacrements de
l'Initiation Chrétienne que recevront les baptisés de la nuit de
Pâques, avec ces mêmes Huiles. Deux messes distinctes donc, pour
deux Mystères qui ont entre eux une différence de nature et non pas
seulement de degré.
Au
contraire, avoir ajouté à la messe des Saintes Huiles le matin, une
mention des prêtres et leur demander de renouveler leurs promesses
sacerdotales, c'est les placer dans l'optique baptismale au service
de laquelle ils sont établis par leur ministère ; dont le
partenariat avec le Peuple de Dieu est comme renouvelé chaque année,
finalement très loin de la consécration du sacrement de l'Ordre, au
service de l'offrande du Saint Sacrifice Rédempteur et du culte
eucharistique.. Prêtre pour l'éternité. On comprend alors ce qu'il
y a de choquant à obliger les prêtres suspects, à participer à
cette messe sous peine de disqualification ; et le scandale à
exiger qu'ils y concélèbrent, malgré toutes les lois encore en
vigueur qui garantissent leur liberté. Surtout quand cette messe
chrismale est sortie du Triduum pascal et anticipée le plus souvent
au Mardi Saint, comme si « le grand sacrement de toute l’Église
ne naissait pas du côté du Christ endormi sur la croix ».
-
III -
L'expérience
abominable de ces dernières années à l'échelle mondiale, a
confirmé l'efficacité massive du principe de l'injonction
contradictoire : pour prendre le contrôle des populations et
les soumettre, rien de plus simple, rien de mieux que de leur imposer
des incohérences nécessaires ; véritable viol de l'esprit
lui-même, qui anéantit la capacité de comprendre et détruit la
pensée, dont la version vulgaire est le « deux poids, deux
mesures ». Or il devient de plus en plus difficile de ne pas se
rendre compte, que tel est le régime aussi dans la sainte Église de
Dieu, et depuis fort longtemps. En fait, depuis qu'une minorité dite
progressiste, se perpétue grâce à ce mode opératoire récurrent
du cléricalisme triomphant. Car des contradictions énormes sur des
vérités majeures de la Foi, nous en avons dès que nous entrons
dans une église ; et leur effet confondant, c'est le cas de le
dire, s'impose à nous dès que la messe commence.
Notre
Seigneur Jésus-Christ est en principe le Maître, le Chef, la Tête
de l’Église, et nous professons qu'il est réellement et
substantiellement présent sous les espèces eucharistiques
conservées au tabernacle. Or, ce n'est pas du tout cette Présence
qui nous saisit d'emblée, puisque le tabernacle n'est pas au milieu
du sanctuaire, et possiblement dans une chapelle latérale, voire
dans un autre lieu ; pour les meilleures raisons du monde, et
hautement spirituelles. Mais, en vrai, n'est-ce pas donner à
comprendre, d'ailleurs c'est explicite dans les instructions, que
cette présence-là gène le bon déroulement de la célébration ?
Car lorsqu'il y a un maître-autel avec un tabernacle monumental, on
l'utilise quand même malgré tout, parce que c'est plus pratique au
moment de la communion. Mais, naturellement, la célébration a lieu
sur une table ou un autel portatif qui sera placé devant ou en bas
des marches, pour qu'on puisse en faire le tour. Et, de fait, c'est
ce petit meuble que le célébrant en arrivant, après dans le
meilleur des cas une génuflexion protocolaire vers le tabernacle, va
vénérer d'un baiser, puis encenser comme si c'était Jésus
lui-même ; alors qu'il lui tourne le dos au tabernacle, en
l’ignorant superbement pendant toute la messe ! Comment donc
les prêtres pourraient-ils ne pas être en court-circuit permanent,
et éventuellement disjoncter carrément, à subir pareil traitement,
quotidiennement, on nous ment, et au cœur de l'Action la plus
sublime de leur ministère.
Et
avant eux les Séminaristes, dont toute la formation se déroule sous
le signe de la même injonction contradictoire. Ce dont on peut se
convaincre, si l'on superpose les premiers numéros du Directoire
pour le ministère et la vie des prêtres, disons le produit fini ;
et les premiers numéros de la dernière Ratio Fundamentalis
promulguée par Rome et appliquée par chaque Conférence épiscopale
pour son territoire, qui donne le plan de formation. En 2013, au
numéro 1, le Directoire, en une fulgurance capitale, formule le
fondement et la clé de voûte du sacerdoce catholique en ces
termes : « le sacerdoce ministériel trouve sa raison
d'être dans cette perspective de l'union vitale et opérationnelle
de l’Église avec le Christ. En effet, grâce à ce ministère, le
Seigneur continue à exercer au milieu de son peuple, les fonctions
qui ne reviennent qu'à lui en tant que Tête de son Corps ».
Autrement dit, il n'est pas dans l’Église comme l'une de ses
fonctions, mais il survient continuellement comme Jésus en personne.
Et le Directoire explique : « le sacerdoce ministériel
prouve que le Christ n'a pas abandonné son Église, mais qu'il
continue à lui donner la vie grâce à son sacerdoce éternel. Ce
don institué par le Christ, a d'abord été conféré aux Apôtres,
et se continue dans l’Église à travers leurs successeurs les
Évêques, qui le transmettent à un degré subordonné aux
prêtres. »
Mais en
2016, nous lisons au numéro 3 de la Ratio Fundamentalis exactement
l'inverse : « la formation des prêtres s'inscrit dans la
continuité d'un unique cheminement de formation du disciple, qui
commence avec le baptême, se perfectionne avec les autres sacrements
de l'initiation chrétienne, est accueilli comme point central de sa
vie au moment de l'entrée au Séminaire, et se poursuit tout au long
de l'existence ». Et plus loin « la vocation au sacerdoce
ministériel s'insère dans le cadre plus large de la vocation
chrétienne baptismale » ; tandis qu’en 2013, le
Directoire affirme : « par l'ordination sacramentelle, il
se produit dans le prêtre un lien ontologique spécifique qui unit
le prêtre au Christ, Prêtre suprême et Bon Pasteur ». Alors
qu'en 2016, la Ratio est passée à autre chose : « la vie
entière d'un prêtre depuis le moment de son appel est une formation
continue, celle d'un disciple de Jésus, docile à l'action de
l’Esprit Saint, pour le service de l'Église ». Circulez, il
n'y a plus rien à voir, c'est là en effet le lot de tout Baptisé.
Ce
qu'il faut comprendre finalement, c'est que les prêtres ont été
pris en otages de conflits qui n'auraient jamais dû advenir dans
l'Église : et pour résoudre les difficultés, on a dépecé le
Sacerdoce ; altérant si gravement la structure de l'Église,
qu'Elle ne semble plus vouloir se reprendre. Mais les Prêtres sont
encore le moyen et le gage du relèvement de l'Église et de la
réhabilitation du Sacerdoce, par l'œuvre de la Messe Perpétuelle :
demandée par le Sacré-Cœur dans les années 20 et
jusqu'aujourd'hui encore refusée ; mais préparée dans
l'invisible. Car après ce qu'il est convenu d'appeler le cataclysme,
elle sera selon les mots de Claire Ferchaud : la sublime
adoration, la profonde action de grâce, l'intégrale expiation,
l’irrésistible imploration.
basclergeensabots
juin
A.D. 2024