LA
DÉMONSTRATION THÉOLOGIQUE
- "Sacramenta significando causant"
- Validité de la messe actuelle
- Préférence sans réserve pour la messe traditionnelle
- L'une et l'autre sont le bien commun de l’Église
On va certainement
reparler de plus en plus souvent de la Messe. C’est pourquoi il
semble opportun de présenter le principe-clé de la théologie
sacramentaire, qui permettra à chacun, Dieu aidant, de se faire une
opinion solide à partir de tout ce qui sera dit et fait par les uns
et les autres. Ce principe éclaire notamment trois questions
théologiques de première importance : la validité de la messe
dite de Paul VI et des ordinations faites après Vatican II ; la
préférence à donner néanmoins sans réserve à la célébration
de la messe dite de S. Pie V ; l’urgence pour l’Église et
chacun d’entre nous, d’assumer l’intégralité de la vie
liturgique. « Sacramenta significando causant » est
un principe à tiroirs comme les charades, qui ouvre lui-même sur
l’intention du ministre et l’adage « Ecclesia
supplet ».
Les
Sacrements agissent « en signifiant »
Les sacrement
agissent « en signifiant ». Cela veut dire que l’effet
que produisent les sacrements ou la grâce qu’ils communiquent,
sont réalisés effectivement par les mots et les gestes qui
signifient ces effets et ces grâces et nous permettent ainsi de les
recevoir. Par exemple : « Untel, je te baptise au nom du
Père et du Fils et du Saint Esprit » en versant de l’eau sur
Untel, signifie et réalise l’effacement de la tache originelle et
le cas échéant des péchés personnels, l’impression du caractère
baptismal et le don de la vie divine. Telle est la dignité dans
laquelle Dieu nous établit lorsqu’il nous touche : Son Esprit
s’adresse à notre esprit pour signifier ce qu’il fait, afin que
nous sachions qu’il le fait et y apportions le consentement du
meilleur de nous-mêmes. C’est ainsi que rien n’est jamais
purement automatique ou matériel dans les choses de Dieu avec nous,
comme le serait une magie, mais toujours hautement personnel, y
compris et surtout lorsqu’il s’agit d’entrer dans le mystère
du Verbe incarné.
On comprend alors
que l’intention du ministre soit décisive dans l’administration
des sacrements. Il ne s’agit pas du contenu de sa conscience
intellectuelle ou psychologique au moment où il célèbre, mais de
la décision dans sa volonté de faire ce que veut faire l’Église
dans cette célébration. Cette intention se voit dans l’attitude
générale du ministre ; elle est présumée puisqu’il emploie
les rituels, gestes et paroles de l’Église ; elle est
simplement exprimée quand on dit : « je vais dire la
messe », et non pas « je vais à la pêche » .
Il n’est pas besoin de questionner la théologie ou la conception
qu’il a du ministère sacerdotal, car « l’intention du
ministre » ne se situe pas à ce niveau, mais dans la volonté
qu’il a de faire ce que fait l’Église : le Christ et
l’Église agissent, le ministre met sa personne à disposition pour
que cela se fasse ; même s’il ne sait pas pleinement ce qui
se fait.
Dès lors, en tout
et pour tout, l’Église supplée si nécessaire, au positif et au
négatif, puisque c’est elle la partenaire principale du Christ, en
tant que son Épouse, et en tant que son Corps mystique dont il est
la Tête. Par exemple, l’idéal est que nous soyons bien disposés
avant de recevoir un sacrement : si ce n’est pas le cas,
l’Église supplée, le sacrement est donné et reçu, nous manquons
une partie des grâces, mais elles sont comme en sommeil, jusqu’à
ce qu’elles puissent trouver chemin à leur éclosion dans notre
âme. L’idéal est que les ministres soient accordés à la
sainteté des biens qu’ils administrent : si ce n’est pas le
cas, l’Église supplée, le sacrement est donné et reçu, sans
bénéfice pour le ministre sinon un rappel à conversion, et les
fidèles auront peut-être même un surcroît de grâce en offrant
leur peine d’être mal traités au cœur des choses saintes. Mais
l’Église soutient aussi au positif, en ce que les effets des
sacrements ne se limitent pas à ce que le ministre même le plus
saint en perçoit, ni à ce que les fidèles même héroïques en
font, mais rejoignent l’immense trésor des mérites du Christ dans
la communion des Saints, à laquelle les sacrements contribuent tout
en en étant aussi la dispensation.
Ce principe-clé
permet, pour les questions décisives qui nous occupent, une
démonstration théologique claire et sûre, dont chacun pourra juger
après y avoir réfléchi.
La
Messe de Jésus-Christ
Validité de la
messe dite de Paul VI et des ordinations après Vatican II. Remarque
au passage, « le bref examen critique » souvent
mentionné, n’a porté que sur une messe qui fut célébrée
seulement quelques mois dans l’Église (promulguée en juin 1969,
critiquée en septembre 1969 avec réponse deux mois plus tard) puis
remplacée en 1970 après amendements, comme ensuite en 1975 (IIa
editio typica) et encore en 2002 (IIIa editio typica) ;
corrections, reprises, ajustements et développements allant
généralement dans le sens de réduire l’écart avec la Tradition.
Quoi qu’il en soit, saint Thomas pose la question : quand
exactement la transsubstantiation est-elle opérée ? Et il
répond tout simplement : lorsque les mots qui la signifient
sont prononcés, parce que les sacrements agissent en signifiant ;
et ces mots sont : « hoc est enim corpus meum »
; ainsi que « hic est enim calix sanguinis mei novi et
aeterni testamenti ». Or ces mots figurent strictement à
la Consécration dans toutes les prières eucharistiques de la messe
de Paul VI. Et comme on a par eux la double transsubstantiation du
Corps et du Sang séparés sur l’Autel, la mort du Christ est
signifiée et donc aussi rendue présente (les sacrements opèrent ce
qu’ils signifient): c’est donc bien identiquement le seul et
unique sacrifice du Calvaire, sous les apparences sacramentelles non
sanglantes du Corps et du Sang du Seigneur.
« Oui, mais
ils ne croient pas à la Transsubstantiation et ne parlent jamais du
Sacrifice ». Cependant, ils disent les paroles qui signifient
ce qu’elles opèrent ; avec l’intention de dire la messe,
c’est-à-dire de faire ce que fait l’Église quand la messe est
dite. Dont acte.
« Mais
sont-ils encore prêtres depuis qu’on a changé le rituel des
ordinations ? » Je répondrai par mon cas personnel.
Important, après tout : la messe que je dis depuis plus de
quarante-quatre ans est-elle un simulacre ou bien la messe ?
J’ai été ordonné par le Cardinal Léon-Etienne Duval, archevêque
d’Alger, Mohamed Duval pour les intimes, qui était condisciple
d’un certain Marcel Lefebvre au Séminaire Français de Rome dans
les années 20, avec comme Recteur du Séminaire le fameux Père Le
Floch (plus Action Française que lui, tu meurs), celui-là même qui
fut l’intermédiaire pour l’audience que Benoît XV avait
accordée à Claire Ferchaud, et que le Saint Père n’a pu honorer,
rappelé à Dieu entre temps. Le Cardinal Duval était donc, sans nul
doute, Évêque dans la succession Apostolique. Lorsqu’il ordonnait
des prêtres en utilisant le rituel de l’Église, il avait
l’intention de faire ce que fait l’Église depuis les Apôtres,
et il faisait donc des prêtres. Pour mon ordination, le rituel était
celui de Paul VI, avec comme signe l’imposition des mains en
silence, puis les paroles consécratoires : « Nous t’en
prions, Père tout-puissant, donne à ton serviteur que voici
d’entrer dans l’ordre des prêtres ; répands une nouvelle
fois au plus profond de lui-même l’Esprit de sainteté ;
qu’il reçoive de toi, Seigneur, la charge de seconder l’ordre
épiscopal.. » paroles qui réalisent ce qu’elles signifient
et que le Cardinal a prononcées avec l’intention de faire de moi
un prêtre comme le fait l’Eglise : je suis donc
instantanément entré dans l’ordre des prêtres, consacré par
l’Esprit Saint à la charge de seconder l’ordre épiscopal.
Précisons que Pie XII avait déjà fixé l’imposition des mains,
et si la « tradition des instruments » (patène et
calice) restait le grand moment, elle figure bien dans le nouveau
rite aussi, avec les paroles : « recevez l’offrande du
peuple saint pour la présenter à Dieu. Ayez conscience de ce que
vous ferez, imitez dans votre vie ce que vous accomplirez par ces
rites et conformez-vous au mystère de la croix du Seigneur ».
L’essentiel est là, clair et assuré. Pour le reste, si
nécessaire, Ecclesia supplet.
Pourquoi dès lors,
préférer sans réserve la messe de S. Pie V ? Encore pour la
même raison : tout simplement parce que les sacrements déploient
leur efficacité par la manière dont ils la signifient. Et là, il
est évident que la messe traditionnelle a atteint un tel degré de
signification et de perfection dans le culte divin, l’expression de
l’intégralité de la foi, la nourriture de la vie chrétienne et
le salut des vivants et des morts, que toute autre façon de faire en
diminue le fruit spirituel ; raison pour laquelle S. Pie V l’a
promulguée à perpétuité, autorisé à perpétuité tout prêtre à
la célébrer sans scrupule de conscience ni besoin d’autre
autorisation, interdisant à perpétuité qu’on empêche de la
célébrer ou d’y assister, interdisant à perpétuité qu’on
oblige à célébrer autrement. Il est tout aussi évident que la
messe de Paul VI explicitement allégée, simplifiée et largement
adaptable, n’emporte plus autant de signification ni
d’universalité, ni par conséquent autant d’efficacité dans la
grâce à recevoir (les sacrements agissent en signifiant), ni par
rapport au culte, ni par rapport à l’édification de la vie
chrétienne ou le salut des âmes. Il est donc le plus souvent
préférable, lorsque c’est possible, d’avoir la messe
traditionnelle.
Le même principe
explique pourquoi la généralisation de la concélébration reste
contraire à tous les textes liturgiques, malgré l’usage courant.
Le problème n’est pas précisément les « intentions de
messe » : il suffit de l’énoncer pour le comprendre.
Chaque prêtre prend en charge l’intention pour laquelle il dit la
Messe ; et il applique à cette intention les fruits du
Sacrifice qu’il actualise et rend effectivement présent, comme on
l’a vu ci-dessus, en disant les paroles qui le signifient et
opèrent la double transsubstantiation : imposition des mains,
paroles de la Consécration et geste démonstratif. C’est
exactement ce qu’il fait en concélébrant : il a donc bien
célébré le Sacrifice et honoré l’intention.
Le problème de la
concélébration se pose en réalité au niveau de ce qu’elle
signifie (et donc de ce qu’elle réalise) comme grâces auxquelles
elle donne accès ; et c’est justement la raison pour laquelle
il est indu de la généraliser au point qu’elle devienne comme la
forme normale de la messe, et encore pire le critère discriminant de
toute messe. En effet, les deux significations majeures, et donc les
deux grâces principales qu’on tire de la concélébration, ce sont
d’une part la manifestation (et donc le renforcement) de l’unité
du Sacerdoce reçu des Apôtres (idéalement on concélèbre avec
l’Evêque) ; et d’autre part la manifestation (et donc le
renforcement) de l’unité de l’Église qui constitue le fruit
ultime du Sacrifice eucharistique. On comprend qu’elle est donc
normalement réservée à des occasions particulièrement
significatives ou exceptionnelles, typiquement le Jeudi Saint dans la
Cathédrale ; et ne saurait être banalisée sans dommage,
surtout pour des raisons simplement pratiques qui seraient déjà un
aveu de mauvais aloi. D’autant qu’à la vérité, la
concélébration se paie, comme dans un marché de dupes, par
l’occultation ou la contradiction de plusieurs significations et
grâces plus ordinaires mais plus immédiatement ordonnées au bien
des âmes dans la célébration de la messe, et donc plus courantes
et nécessaires, comme s’en rend compte le peuple chrétien par
instinct : « ils sont tous là ensemble et il n’y a
personne à notre église pour dire la messe » ; remarque
légitime puisque la multiplication des prêtres et des messes a eu
pour raison au départ, d’en rendre les grâces plus facilement
accessibles au plus grand nombre.
Plus
profond et plus grave : l’unicité de l’Autel et de
l’Hostie, occultent invinciblement la multiplicité de ceux qui
exercent dans la Personne du Christ
seul Prêtre dans l’acte de son Sacrifice, et occultent donc
la participation multipliée à l’application de ses fruits ;
au point que c’est l’objection courante mais inexacte à la
concélébration : « une seule messe est dite »,
oui, mais on voit bien tous les prêtres en couronne, dire chacun à
voix basse les paroles de la Consécration, pour le Sacrifice.
Comment ne pas évoquer le cardinal Ratzinger restant sans voix dans
la crypte d’une des abbayes de la Tradition, devant les multiples
messes basses célébrées par chaque moine avec son servant à
chacun des autels latéraux ? Vraiment la puissance de feu
spirituel de l’Église, décuplée au niveau de ce qui est montré
et par conséquent aussi de ce qui est réalisé, répandu, compris
et reçu.
Le dernier mot revient certainement à l’intuition de Claire Ferchaud pour la Messe
Perpétuelle demandée par le Sacré-Cœur à Loublande: « C’est
donc au nom de l’Univers qu’un Autel sur un point précis, ferait
monter vers le Père, Dieu Eternel, sans interruption, le Seul Très
Saint, l’Unique efficace Sacrifice de l’Agneau sans tache, la
sublime adoration, la profonde action de grâce, l’intégrale
expiation, l’irrésistible imploration » (Les Rinfillières).
On en approcherait l’idée, si dans les réunions de prêtres, au
lieu d’expédier la concélébration avant l’apéro, la messe
était célébrée successivement par chacun d’eux à la chapelle
au fur et à mesure, depuis le matin jusqu’à la fin de la
rencontre, comme en fondement de toute l’œuvre pastorale qui se
discuterait pendant ce temps-là par les autres dans la salle de
travail: cela donnerait à comprendre, et réaliserait donc, que la
pastorale n’est pas notre œuvre pour Dieu, mais l’action du
Seigneur pour nous ; un retournement à 180° ! Connaît-on
cette vision de Claire Ferchaud, touchante d’intimité, qui dit on
ne peut mieux, le mystère du prêtre ? Avant la messe, elle
voit Jésus à l’entrée du sanctuaire, tourné vers l’Autel de
son Sacrifice, et il se retourne un peu en arrière sur la droite,
vers la porte d’arrivée de la sacristie dans l’attente du
prêtre ; celui-ci arrive, revêtu des habits sacerdotaux, et
parvenu à l’entrée du sanctuaire il se fond dans la Personne du
Christ et la messe commence.
La
Liturgie de l’Église
On aura enfin
compris après cinquante ans de guerre liturgique, que les deux camps
doivent définitivement abjurer l’esprit révolutionnaire qui
s’infiltre partout, et ne voit l’issue que dans la néantisation
de la position adverse ; comme si l’on pouvait, en matière
liturgique, faire table rase de ce que l’Église a vécu une fois
comme l’exercice public de son Culte au Dieu vivant et vrai :
qu’il s’agisse de la messe des siècles que nous appellerons
« traditionnelle » ou de celle des cinquante dernières
années que nous appellerons « actuelle ». En vérité,
abominable des deux côtés, le mépris avec lequel on ose parler de
ce qui est réellement l’offrande du Christ à son Père, en
expiation de tous les péchés ; odieux de se glorifier de n’y
jamais participer, comme gage d’impeccabilité dans la vertu
chrétienne, qu’elle soit traditionnelle ou actuelle ; un peu
Ponce Pilate, que militer pour qu’on nous laisse tranquilles dire
notre messe comme si nous n’étions pas concernés par ce que font
presque tous les autres ; nouveaux Caïphe, qui repoussent
hypocritement dans les marges ceux qu’ils accuseront ensuite de
faire bande à part. Mais l’heure n’est plus aux règlements de
comptes ; à l’Église d’oser penser que la querelle et les
abus liturgiques détournaient l’attention, comme l’arbre cache
la forêt, du profond dysfonctionnement déploré en vain par les
derniers Papes : une Eglise auto-référentielle et qui
s’auto-célèbre. La remise en cause de ce que nous avons cru faire
de meilleur est maintenant inévitable, et tous ceux qui ont vécu la
période, Pasteurs et Fidèles de tous bords, doivent s’y atteler.
Posons d’abord
deux questions préliminaires pour nous situer. Comment se peut-il
que la Messe ne soit jamais célébrée nulle part telle que décrite
et codifiée dans la IIIa editio typica du Missale Romanum,
même pas ou très rarement par le Pape lui-même à Saint Pierre de
Rome ? Certes, les traductions approuvées et les adaptations
encadrées en sont la juste expression ; mais le modèle typique
lui-même n’est jamais mis en œuvre, pourquoi ? Parce que
l’Église universelle n’est plus qu’une abstraction, n’existe
plus que « dans les églises particulières et à partir
d’elles » (LG 23), modelée et se réalisant au gré de la
vie locale des communautés. Or, la Sacrée Congrégation pour la
Doctrine de la Foi, dans la Note de mai 1992 « sur certains
aspects de l’Église comprise comme communion », avait
complété la formule de Lumen Gentium, en affirmant :
les églises particulières existent « dans et à partir de
l’Église universelle ». Car, expliquait la Note, dans cette
intériorité mutuelle, l’Église Universelle précède
chronologiquement et théologiquement les églises particulières
parce qu’Elle les engendre à la foi apostolique comme leur Mère
et en fait de véritables églises en se rendant Elle-même présente
en elles. La réalité est donc à l’inverse de ce qui est
généralement compris et vécu dans les diocèses : c’est
bien en mettant en œuvre ce qui est de l’Église universelle, que
les églises particulières sont continuellement façonnées comme de
véritables églises à l’image de leur Mère la sainte Église
Catholique, et se développent dans le lien de sa Communion pour
participer à sa Vie. « La nature de mystère de ce rapport
entre Église universelle et Églises particulières est évidente;
ce rapport n'est pas comparable à celui qui existe entre le tout et
les parties dans tout groupe humain ou société purement humaine »
(Cf. nn. 7-9). On voit l’ampleur du travail à envisager, pour nous
remettre dans la vérité de l’éclairage surnaturel de la doctrine
catholique de l’Église, et de notre manière de vivre en son sein.
Mais à partir de
cette première question, une seconde se pose, avec le même genre de
réponse. Pourquoi y a-t-il eu un « après-Concile » au
lieu de son application pure et simple ? Parce que le
détournement de l’assemblée conciliaire a échoué, grâce
notamment à la résistance courageuse de ceux qu’on a réduits
comme la « minorité » traditionaliste, et grâce à la
volonté tenace du Pape que les Documents soient adoptés à
l’unanimité dans toute la mesure du possible : dès lors les
textes ont dû comporter ce qui pouvait les rendre acceptables à la
dite « minorité » aussi. Si bien que dès la fin du
Concile, ceux qui s’appelaient fièrement les progressistes et
étaient surtout quelques Evêques Français et Allemands avec leurs
experts, ont écarté définitivement ces textes pourtant promulgués
par le Pape et avec lui la quasi unanimité des Évêques, textes
auxquels eux-mêmes avaient beaucoup travaillé mais qui ne pouvaient
plus leur servir ; pour faire la promotion universelle d’un
soi-disant « esprit du Concile » qui dissimulait de moins
en moins bien la violence avec laquelle ils ont imposé leurs idées ;
ce n’était au fond que la version ecclésiastique pédante du
gauchisme bourgeois en plein essor à l’époque chez nous. Les
derniers soubresauts de cette idéologie sécularisée, désormais
exténuée non seulement dans le monde mais aussi dans l’Église,
montrent par leur férocité, de quels endurcissements elle filait le
masque débonnaire.
C’est pourquoi, au
Manifeste de Notre-Dame de Chrétienté, après « Vérité »
et « Justice », le mot « Réparation » serait
plus approprié que celui de « Paix », car le Pardon qui
s’oppose à la vengeance stérile, d’emblée acquis entre
Baptisés, rend possible la justice et encourage la réparation, pour
le plus grand bien de toute l’Église. Il y a eu scandale au plus
haut niveau dans l’Église, et pas d’hier : or, François a
mis en jeu l’unité de l’Église pour expliquer son intervention
et la brutalité de son application en 2021 ; il n’est donc
plus possible d’en rester au sentimentalisme et aux incantations,
c’est au contraire l’occasion providentielle de faire enfin la
vérité puisqu’il s’agit de la Foi, c’est à dire du dépôt
sacré de la Révélation et du Salut donné, reçu, gardé,
transmis.
Pour amorcer la
pompe du repentir, osons enquêter sur la participation des fidèles
laïcs au ministère des prêtres, vache sacrée de la pastorale, qui
fit l’objet en août 1997 d’une Instruction de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi avec plusieurs autres Congrégations et
Dicastères romains, comportant des principes théologiques et des
dispositions pratiques. Immédiatement, émergent les axes majeurs de
la pratique commune en désobéissance ! Rome demande et
explique pourquoi les prêtres doivent se libérer d’autres tâches
s’il le faut, pour célébrer eux-mêmes personnellement les
funérailles ; dans les diocèses français ils sont interdits
d’enterrement même pour des membres de leur famille. Rome
préconise que les visiteurs de malades ne se transforment pas en
ministres ordinaires de la communion, mais préparent par leur
soutien fraternel les malades à recevoir le prêtre qui leur donnera
les sacrements, en particulier la confession, l’onction des malades
et la communion ; dans les paroisses françaises et les maisons
de santé, les hosties consacrées circulent partout dans les
custodes ou les boîtes à pilules en toute charité. Et pour faire
bonne mesure, tandis que des Évêques français prennent des décrets
interdisant plus de trois mariages d’affilée, pour retarder s’il
est possible, le burn out de leurs prêtres, Rome avait
demandé qu’ils explorent plutôt en conférence épiscopale la
possibilité que des fidèles laïcs assistent aux mariages au nom de
l’Église, puisque les ministres du Sacrement en sont les époux
eux-mêmes. Où en serions-nous, si nous n’avions pas désobéi :
en fait d’évangélisation ? de banalisation de
l’Eucharistie ? de communion hiérarchique vitale du Peuple de
Dieu dans la distinction des Prêtres et des Fidèles ?
Nous n’éviterons
pas non plus quelques sentences inquisitoriales, au goût amer de la
loi détestable des suspects, appliquée comme un nouveau style des
relations dans l’Église, piétinant les consciences et bafouant
Dieu qui seul sonde les cœurs et les reins ; une manière
pourrait-on dire alla bergogliana, soudainement
interrompue par la mort du Pape,
et tous sont dans l’expectative à l’aube du nouveau pontificat.
Que personne ne joue les victimes : se soumettre aux abus, c’est
s’en rendre complice. Par
contre, il n’est que justice et la réparation appelle, que les
rôles soient inversés au moins une fois, ne
serait-ce que pour retrouver la confiance.
Que ceux qui ont imposé aux « suspects » de
prouver leur reconnaissance de la messe actuelle en la célébrant et
en y participant un Dimanche par mois, prouvent à leur tour que la
messe actuelle est bien la suite organique de la messe
traditionnelle, en la célébrant et en y assistant un Dimanche par
mois dans leur paroisse. Ces mêmes qui prétendent croire encore à
la transsubstantiation malgré des apparences douteuses, qu’ils
prouvent leur bonne foi en communiant au moins une fois par mois à
genoux et sur la langue. Que ceux qu’on accuse maintenant de ne
plus savoir que la messe est avant tout un acte de culte envers Dieu,
se disculpent en célébrant au moins un Dimanche par mois tournés
vers le Seigneur et non pas les uns vers les autres.
Conclusion
L’Église
a bon dos, elle a aussi les épaules larges ; elle en a vu
d’autres, et elle a promesse de vie éternelle jusqu’à la
Manifestation glorieuse de son Maître et Seigneur, tandis que le
Juge est à nos portes. « Vous annoncez la Mort du Seigneur,
jusqu’à ce qu’Il vienne » dit l’Apôtre. Béni soit Dieu
pour son Don ineffable, qui nous dépasse infiniment. Il y a la Messe
où il nous élève jusqu’à lui pour le culte divin et
trinitaire ; et la Messe où il vient à nous pour sanctifier
nos vies. Même si Jésus Christ me
fait face dans le grand Crucifix du maître-autel, plus simplement
que par le visage de ce prêtre qui me regarde. De la consécration
des personnes ou de la sacralité des choses, il ne faut évidemment
pas choisir ; puisque le déroulement de l’Action par
excellence, culmine dans la Présence substantielle qui surpasse
tout.
On voudrait quelquefois trancher entre le subjectivisme de la
célébration actuelle, et l’objectivité du rituel traditionnel,
sans considérer la priorité réciproque de ces deux pôles dans
notre être même. Saint Thomas l’exprime magnifiquement en deux
formules métaphysiques. « La personne est ce qu’il y a de
plus excellent en raison de sa nature rationnelle », elle est
le « subpositum »,
le Sujet et ultime référent de son existence même, c’est
pourquoi tout l’ordre sacramentel dans ce
qu’il a de plus sacré, est
fait « pour nous les hommes et pour notre salut » ;
on reconnaît ici la
légitimité de la messe actuelle, sa tonalité, son orientation.
Mais
la personne est aussi « en
quelque sorte en puissance par rapport à ses actes »,
c’est-à-dire qu’elle ne peut s’accomplir pleinement qu’en
s’unissant par ses actes spirituels
à ce qui objectivement la dépasse et se donne à elle, capacité
qui fait précisément son excellence. Et
là, resplendit la perfection insurpassée de la messe
traditionnelle.
Dès
lors, il faut renoncer définitivement à reprocher à la messe ce
qu’il lui manque par rapport à l’autre : en particulier
pour les fidèles, c’est une terrible tentation qui mine la
dévotion eucharistique en s’imaginant la préserver.
Il faut pareillement renoncer, pour les prêtres, à essayer de les
rendre identiques à défaut d’avoir pu en supprimer une : ces
ajustements personnels sont la ruine de la discipline liturgique ;
nul prêtre n’en a la faculté et ils sapent
le respect que tous doivent à la Messe. Car chacune doit être reçue
de l’Église dans sa cohérence propre, avec
les grâces qu’elle exprime et qu’elle communique : le
prêtre, en intendant fidèle, donnera
à chacun au mieux de ce qu’il peut recevoir, de
l’une et de l’autre, sa
part de blé jusqu’au Retour du Maître. Peut-être
faut-il alors simplement
appliquer à la Messe aujourd’hui, la solution de saint Thomas à
tant de problèmes théologiques inextricables pour les autres :
Elle est une seule chose en réalité ; mais non pas dans notre
façon de signifier. Ainsi le
Concile de Trente : session XXII sur le Sacrifice de la Messe ;
session XIII sur l’Eucharistie. De même Vatican II, Lumen
Gentium 1 : l’Église est
comme le sacrement, c’est-à-dire le signe et le moyen, de l’union
intime avec Dieu ; et de l’unité de tout le genre humain.
Finalement, les deux bras de la Croix: Jésus devait mourir; pour rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés.
basclergeensabots
La Vieille Poste,
21 août A.D. 2025, mémoire de S. Pie X