20211203
Messe de la Saint-Cyrienne 2S216
La messe de la Saint-Cyrienne, outre la joie de la rencontre, comporte toujours un certain aspect de gravité, due non seulement au fait que l’on offre le saint Sacrifice en suffrage pour les membres décédés de l’association depuis la dernière messe, mais aussi parce que cette occasion offre comme une superposition du jeune sous-lieutenant un peu tout fou et celui qu’il est devenu, désormais « en fin de chargeur » comme l’on dit. Une superposition que le Temps liturgique de l’Avent accuse à sa manière, puisque le 2 décembre tombe toujours la première semaine, quand en fait de Venue du Seigneur, on a encore la perspective du second Avènement en majesté, alors qu’on a déjà en ligne de mire l’humilité de sa naissance à la Crèche, avec les anges et les bergers.
Or cette distanciation permet peut-être à quelques uns, ce qui est en tout cas inaccessible au sous-lieutenant et même au lieutenant en première affectation -l’usage n’est-il pas de les étriller de toute manière ?- d’envisager la relative incongruité qu’il y a à décompter les années à partir de 1805 et non pas à partir du Christ. Car le Christ est insurpassable ; et au soir de cette vie, nous serons convoqués au tribunal du Christ, et nous ne paraîtrons pas précisément devant le vainqueur d’Austerlitz.
C’est là que le décalage d’un jour, puisque nous sommes le 3 décembre, va nous permettre de tirer pour ainsi dire notre épingle du jeu, et de trouver le thème de notre brève méditation : la figure du chef, qui est une figure profondément humaine et hautement christique. Car le 3 décembre, dans la liturgie romaine rénovée, reprenant au même jour que l’usage antérieur la même célébration -aucune polémique donc en tout cela-, fait mémoire de saint François Xavier, qui est de la première génération de Jésuites. Il n’est pas précisément le chef, mais un grand ami du fondateur, saint Ignace de Loyola ; lequel a structuré la Compagnie de Jésus en ordre militaire : il a fait comme on lui avait appris, ce qu’il savait faire. A vrai dire l’obéissance de type militaire n’a pas toujours bonne presse dans l’Église, mais elle fait, en tout état de cause, la redoutable efficacité des Jésuites.
La figure du chef est une figure humaine. Le chef est exposé à ses hommes dans son humanité, et c’est par là qu’il les rejoint dans leur dignité d’hommes. Sa porte n’est jamais fermée ! Or vous savez que le rôle de l’officier a terriblement évolué dans un sens formel et procédurier, de sorte que le chef est moins avec ses hommes, qu’il ne se tient derrière un écran et devant un clavier : non pas tant à transmettre ainsi ses ordres à ses subalternes, qu’à rendre compte interminablement à ses supérieurs, dans la réponse à d’innombrables messages au format qui va bien.
Le Christ, lui, la veille de sa mort, explique à ses Apôtres la parabole de la Vigne : Je Suis la vigne et vous êtes les sarments ; demeurez en moi comme je demeure en vous ; sans moi vous ne pouvez rien faire. On ne peux mieux dire l’union vitale du chef avec ses hommes, par laquelle, en leur livrant son humanité, il va les rendre capables, parce qu’il le leur commande, de consommer plus tard leur propre sacrifice dans le sien.
Quelques instants après, Jésus est arrêté au jardin des Oliviers. Saint Jean relate avec solennité l’événement. Jésus fait face à la troupe armée, les Apôtres sont derrière lui, et il s’expose pour ses hommes, pardon, pour ses Apôtres :
« Qui cherchez-vous ?
- Jésus de Nazareth.
- C’est Moi ! »
Alors ils reculent et tombent par terre. Car en disant : c’est moi ; Jésus prononce le Nom Divin imprononçable. Il leur dit de nouveau :
« Qui cherchez vous ?
- Jésus de Nazareth.
- Je vous ai dit que c’est moi. Si donc c’est moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir ».
Lorsque nous nous inclinerons devant l’Enfant de Bethléem, pensons à cette affirmation du Christ au cours de son procès: « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité ; quiconque est de la vérité, écoute ma voix ».
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