"Moi, je suis la résurrection et la vie."
Il est cet homme plein d'humanité
qui a pleuré sur son ami Lazare ;
il est Dieu, le Dieu éternel
qui fit sortir le mort de son tombeau :
ainsi, dans sa tendresse pour tous les hommes,
il nous conduit, par les mystères de sa Pâque,
jusqu'à la vie nouvelle.
L'Evangile
de la résurrection de Lazare complète la série des trois textes
tirés de l'Evangile selon saint Jean, qui achèvent depuis
l'Antiquité chrétienne la préparation des catéchumènes à
l'Initiation chrétienne au cours de la nuit pascale, chaque année.
Mais avouons-le, ces pieuses considérations nous semblent tellement
loin : pour Pâques 2020, ni vigile pascale ni Baptême ;
pas plus de Confirmation que de Communion ; et en fait
d'Initiation chrétienne, on ne confectionnera même pas le Saint
Chrême parce qu'il n'y aura pas non plus de messe chrismale. Or
c'est précisément là, dans une sorte de déception au coeur même
de la foi, que le Seigneur Jésus, dans sa tendresse, vient nous
retrouver justement par cet Evangile, avec une délicatesse et une
précision confondantes, comme souvent.
A
commencer par ces délais indus à n'en plus finir, qu'il s'agisse de
lui Jésus, ou de nos zélites : « cette maladie ne
conduit pas à la mort ». Et encore deux jours de plus en
moins : pour nous, deux jours de perdus, sur un total que nous
ne savons soudain plus évaluer avec justesse. On n'insistera pas sur
l'incompréhension qui pourrait poindre au fond des coeurs, tout de
même : « Lazare est mort, et je me réjouis de n'avoir
pas été là ! à cause de vous, pour que vous croyiez ».
C'est vrai qu'on y revient à la foi, en ces temps de pandémie ;
enfin, on croit qu'on y revient ; et on est même prêt à « y
aller, pour mourir avec lui » : en soignant, en servant.
Au fond, malgré la propagande relativiste omniprésente, on sait
bien, encore, que si Jésus avait été ici.. et on mobilise même
des bouts de Credo : la résurrection de la chair et la vie
éternelle. Mais ce sera dans tellement longtemps, alors que
maintenant ?
Maintenant ?
Jésus est là. Il vient et il voit. Et il appelle notre foi : à
huit reprises en quarante quatre versets. De sorte que beaucoup
seront consolés parce que « Jésus pleure : lacrimatus
est Iesus ». Et il est encore « repris par
l'émotion ». Mais ce n'est pas cela la foi qui sauve :
car on « arrive au tombeau. C'était une grotte fermée par une
pierre ». Et c'est précisément là que va se jouer toute
l'affaire. « Seigneur il sent déjà ; c'est le quatrième
jour qu'il est là ». Bingo et patatra : cette odeur...
les masques ! Les masques et les respirateurs qui nous manquent
et qu'on nous a promis ; qu'on nous a envoyés mais qui
n'arrivent pas ; parce qu'ils n'existent pas. D'où l'odeur de
la mort qui rôde partout : mais surtout la pestilence de ces
montagnes de péchés qui nous ont conduits à ces impasses. D'où la
corruption du tombeau qui nous terrifie : mais surtout la
putréfaction de ces âmes endurcies dans l'iniquité qui va encore
dégorger pour longtemps ; à la faveur du yo-yo des indices
boursiers, et peut-être aussi dans les replis de lois d'exception ou
l'ordonnance des décrets.
Alors
la voilà, la foi qui sauve, et que Jésus appelle à lui, parce que
c'est lui qui la donne, et lui seul: « Je Suis, C'est Moi ».
« Enlevez la pierre » : pour qu'il puisse respirer à
pleins poumons, sans masque, le pourrissement de notre humanité
pécheresse, l'enlever pour ainsi dire dans le Souffle de son Esprit,
quand tout est accompli du mystère de la Piété, de la pitié du
Seigneur. La tension est telle, dans cette mise en présence, que la
sainte Humanité de Jésus n'y résistera pas : les liens
substantiels de l'âme et du corps seront brisés, Jésus est mort
sur la Croix. Mais l'union hypostatique dans la Personne demeure
toujours : « Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné
son Fils », et il ne l'a pas repris. C'est donc bien le Corps
de Dieu que l'on met au tombeau ; c'est l'âme glorieuse du
Serviteur bien-aimé qui monte au Père, mission accomplie.
Comment
ne pas penser ici, à l'explication magistrale de Benoît
XVI-Ratzinger à partir de cette citation de son saint prédécesseur
Pierre le jour de la Pentecôte, au psaume 15 : « tu ne
peux m'abandonner à la mort, ni laisser ton ami voir la
corruption ». « Jésus a été exaucé en raison de sa
piété », dit la Lettre aux Hébreux, c'est à dire en raison
de sa fidélité. Jésus a annoncé sa résurrection par trois fois.
Il était certain de ressusciter. Et il a fait tout pour communiquer
cette conviction que lui-même a gardée jusqu'au bout, car c'est
cela qui sauve. Le commencement de la foi, c'est de croire que Dieu
peut nous faire échapper à la mort. Mais l'accomplissement de la
foi, la plénitude de la foi qui sauve, dont le Christ est l'Apôtre
et lui-même le garant : c'est de croire que Dieu veut nous
faire échapper à la corruption du tombeau ; en ressuscitant
notre âme dès ici-bas par la grâce sanctifiante du Baptême, en
ressuscitant notre corps au Dernier Jour. « Moi, Je Suis la
résurrection et la vie, dit Jésus : celui qui croit en moi,
même s'il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne
mourra jamais, non morietur in aeternum ».
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