29 mars 2020

Cinquième Dimanche de Carême

"Moi, je suis la résurrection et la vie."
Il est cet homme plein d'humanité
qui a pleuré sur son ami Lazare ;
il est Dieu, le Dieu éternel
qui fit sortir le mort de son tombeau :
ainsi, dans sa tendresse pour tous les hommes,
il nous conduit, par les mystères de sa Pâque,
jusqu'à la vie nouvelle.


L'Evangile de la résurrection de Lazare complète la série des trois textes tirés de l'Evangile selon saint Jean, qui achèvent depuis l'Antiquité chrétienne la préparation des catéchumènes à l'Initiation chrétienne au cours de la nuit pascale, chaque année. Mais avouons-le, ces pieuses considérations nous semblent tellement loin : pour Pâques 2020, ni vigile pascale ni Baptême ; pas plus de Confirmation que de Communion ; et en fait d'Initiation chrétienne, on ne confectionnera même pas le Saint Chrême parce qu'il n'y aura pas non plus de messe chrismale. Or c'est précisément là, dans une sorte de déception au coeur même de la foi, que le Seigneur Jésus, dans sa tendresse, vient nous retrouver justement par cet Evangile, avec une délicatesse et une précision confondantes, comme souvent.

A commencer par ces délais indus à n'en plus finir, qu'il s'agisse de lui Jésus, ou de nos zélites : « cette maladie ne conduit pas à la mort ». Et encore deux jours de plus en moins : pour nous, deux jours de perdus, sur un total que nous ne savons soudain plus évaluer avec justesse. On n'insistera pas sur l'incompréhension qui pourrait poindre au fond des coeurs, tout de même : « Lazare est mort, et je me réjouis de n'avoir pas été là ! à cause de vous, pour que vous croyiez ». C'est vrai qu'on y revient à la foi, en ces temps de pandémie ; enfin, on croit qu'on y revient ; et on est même prêt à « y aller, pour mourir avec lui » : en soignant, en servant. Au fond, malgré la propagande relativiste omniprésente, on sait bien, encore, que si Jésus avait été ici.. et on mobilise même des bouts de Credo : la résurrection de la chair et la vie éternelle. Mais ce sera dans tellement longtemps, alors que maintenant ?

Maintenant ? Jésus est là. Il vient et il voit. Et il appelle notre foi : à huit reprises en quarante quatre versets. De sorte que beaucoup seront consolés parce que « Jésus pleure : lacrimatus est Iesus ». Et il est encore « repris par l'émotion ». Mais ce n'est pas cela la foi qui sauve : car on « arrive au tombeau. C'était une grotte fermée par une pierre ». Et c'est précisément là que va se jouer toute l'affaire. « Seigneur il sent déjà ; c'est le quatrième jour qu'il est là ». Bingo et patatra : cette odeur... les masques ! Les masques et les respirateurs qui nous manquent et qu'on nous a promis ; qu'on nous a envoyés mais qui n'arrivent pas ; parce qu'ils n'existent pas. D'où l'odeur de la mort qui rôde partout : mais surtout la pestilence de ces montagnes de péchés qui nous ont conduits à ces impasses. D'où la corruption du tombeau qui nous terrifie : mais surtout la putréfaction de ces âmes endurcies dans l'iniquité qui va encore dégorger pour longtemps ; à la faveur du yo-yo des indices boursiers, et peut-être aussi dans les replis de lois d'exception ou l'ordonnance des décrets.

Alors la voilà, la foi qui sauve, et que Jésus appelle à lui, parce que c'est lui qui la donne, et lui seul: « Je Suis, C'est Moi ». « Enlevez la pierre » : pour qu'il puisse respirer à pleins poumons, sans masque, le pourrissement de notre humanité pécheresse, l'enlever pour ainsi dire dans le Souffle de son Esprit, quand tout est accompli du mystère de la Piété, de la pitié du Seigneur. La tension est telle, dans cette mise en présence, que la sainte Humanité de Jésus n'y résistera pas : les liens substantiels de l'âme et du corps seront brisés, Jésus est mort sur la Croix. Mais l'union hypostatique dans la Personne demeure toujours : « Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils », et il ne l'a pas repris. C'est donc bien le Corps de Dieu que l'on met au tombeau ; c'est l'âme glorieuse du Serviteur bien-aimé qui monte au Père, mission accomplie.

Comment ne pas penser ici, à l'explication magistrale de Benoît XVI-Ratzinger à partir de cette citation de son saint prédécesseur Pierre le jour de la Pentecôte, au psaume 15 : « tu ne peux m'abandonner à la mort, ni laisser ton ami voir la corruption ». « Jésus a été exaucé en raison de sa piété », dit la Lettre aux Hébreux, c'est à dire en raison de sa fidélité. Jésus a annoncé sa résurrection par trois fois. Il était certain de ressusciter. Et il a fait tout pour communiquer cette conviction que lui-même a gardée jusqu'au bout, car c'est cela qui sauve. Le commencement de la foi, c'est de croire que Dieu peut nous faire échapper à la mort. Mais l'accomplissement de la foi, la plénitude de la foi qui sauve, dont le Christ est l'Apôtre et lui-même le garant : c'est de croire que Dieu veut nous faire échapper à la corruption du tombeau ; en ressuscitant notre âme dès ici-bas par la grâce sanctifiante du Baptême, en ressuscitant notre corps au Dernier Jour. « Moi, Je Suis la résurrection et la vie, dit Jésus : celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais, non morietur in aeternum ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.